{ NETFLIX } : Le chemin des tourments, (discutable) succès d'une série russe

Le moins qu'on puisse dire, c'est que nous les français, nous ne connaissons pas grand chose du monde audio-visuel russe. Hormis les films américains, peu de films étrangers parviennent jusqu'à nous, d'ailleurs. Mais les films russes ? Encore moins que les autres.

Aussi, lorsque j'ai trouvé (en fouillant très longuement) une série ruskov sur Netflix, je me suis empressée de la lancer, très curieuse de voir ce que ça allait donner, heureuse d'ouvrir mes horizons et persuadée de passer un bon moment. Cerise sur le gâteau : il s'agit d'un period-drama. Mon genre de prédilection.

Adapté d'un cycle de romans de Tolstoï, (pas Leon Tolstoï, mais son neveu, Alexis Tolstoï), Le chemin des tourments est un classique de la littérature russe, clairement pierre angulaire de la culture soviétique. Très marqué par son adhésion au réalisme socialiste et ses louanges au père Staline, Le chemin des tourments est plus ou moins considéré comme la bible littéraire de l'URSS dans les pays de l'Est.


Le pitch : Russie, 1914. L'histoire est en marche et la bonne société russe s'apprête à vivre un énorme basculement. Pour les soeurs Boulavine, Dasha et Katia, riches aristocrates issues de l'intelligentia de Saint-Petersbourg, c'est le début d'une longue aventure faites de heurts et de bouleversements qui les conduiront aux quatre coins du pays pour se mettre à l'abri. Première guerre mondiale, révolution d'octobre et chute du Tsar, arrivée des bolcheviks, guerre civile...  Le chemin des tourments est long jusqu'à l'avènement de la nouvelle Russie.

Pour ceux qui comme moi ont toujours eu ce petit attrait pour la culture ruskov, le bonheur sera au rendez-vous. Surtout en mettant la V.O : vous voici partis pour un cours de russe interactif.
Musicalité des noms : Dasha, Nicolaï, Alexeï, Ekaterina, Sergeï...

De mon côté, je me suis félicitée de reconnaitre quelques mots que mon père, russophone, m'avait appris quand j'étais petite. Da ! Niet ! спокойной ночи ! Et les mots хорошо, et товарищ, qui revenaient toujours au téléphone avec son pote de l'armée russophone.

Musicalité des tons : de nombreux mots sont répétés avec leur accent tonique. Moi, l'envie de les répéter à voix haute m'a prise toute la semaine et j'ai vociféré des хорошо et des спасибо avec un bel accent de l'est toutes les dix minutes. 

L'aspect historique est très bien dépeint tout au long de la série. Au travers du destin de ces nombreux personnages, j'ai beaucoup aimé en apprendre plus sur la chute du Tsar et la prise de pouvoir des bolcheviks, beaucoup plus complexe que ce que nous l'ont appris nos livres d'histoire.

Malheureusement, l'immersion ruskov est le seul point positif des douze épisodes de cette série :
je ne me doutais pas que Le chemins des tourments allaient en effet me placer sur le chemin du tourment télévisuel.









Tout commençait pourtant sur les chapeaux de roues. Les images sont sublimes. Le travail de reconstitution est saisissant. Les costumes sont à se pâmer, les décors aussi. L'oeil de la caméra lèche les détails, joue habilement avec la lumière pour offrir au spectateur un rendu extrêmement esthétique d'une qualité cinématographique.

Les personnages sont intéressants. Dasha et Katya, les deux soeurs aussi modernes que fusionnelles. Ivan Ivitch, le bel ingénieur. Bessonov, le poète maudit. Liza Rastorgueva, l'incandescente. Vadim Roshchin, le digne officier.
Bref, on a envie de les suivre. On a envie de lancer la suite. Mais quelle erreur.

Me voici tombée dans un piège russe.

Faute de comparaison, j'ignore si les défauts de la série sont à mettre sur le compte de la culture russe, sur le ton du roman, ou des volontés de son réalisateur. Mais quoi qu'il en soit, à partir d'un moment la série devient proche de l'insupportable.

Mièvre, surjouée, incompréhensible.
La manière d'incarner l'amour est grotesque. On est clairement dans le too much et dans l'incohérence. Les personnages en font des tonnes, prennent des décisions capitales en 1min30, absurdes au demeurant. Enorme manque de subtilité dans le traité des sentiments et des relations entre les personnages.

Et puis, Ivan Ivitch. Ivan Ivitch, Ivan Ivitch, Ivan Ivitch, Ivan Ivitch, Ivan Ivitch, Ivan Ivitch, Ivan Ivitch, Ivan Ivitch, Ivan Ivitch, Ivan Ivitch,  répété à l'infini. 

AU  SECOURS.


Peu d'informations sont disponibles sur la série. La saison 1 semble relater le premier roman, "Deux Soeurs" d'Alexis Tolstoï. A ce que les dernières minutes nous font comprendre, nous racontant la mort des années plus tard de tous les personnages dans des circonstances différentes, il semblerait qu'il n'y ait pas de saison 2 prévue.

Malgré ses nombreuses qualités, Le chemins des tourments s'enlise au bout d'un moment dans le grotesque, au point qu'il devient difficile de visionner ses 12 épisodes jusqu'à la fin. Quel dommage, l'énorme manque de subtilité dans le traité des sentiments et des relations entre les personnages finit par écraser le titanesque travail de reconstitution historique et la qualité visuelle proche du virtuose.

Pourtant, malgré ses défauts, on a tout de même l'impression d'avoir assisté à une belle fresque de vie qui reste en tête. La série a tout de même eu le mérite de réussir à quelque fois m'émouvoir et à se faire une place dans ma mémoire.

Présenté à Cannes, Le chemin des tourments a fait sensation sur la croisette et a été lauréat de nombreux awards. Pour ma part, je compte bien lire les livres. D'abord par intérêt historique, puis aussi pour comparer. Les russes gèrent-ils aussi mal l'amour et le romantisme dans toutes leurs oeuvres ?