Parce qu’il est resté en tête de gondole dans les FNAC
librairies de grandes distribution plusieurs années consécutives, La vérité sur l’affaire Harry Québert,
lauréat du Prix Goncourt des lycées, du Prix littéraire de la Vocation sans
parler du Grand Prix de l’Académie Française, s’affuble de la très flatteuse
critique de Bernard PIVOT en quatrième de couverture.
Bon avec tout ça, franchement. On est forcément tentés de le
lire.
Et à priori, on ne regrettera pas les heures passées à
dévorer ses 850 pages.
Le picth ◆ Marcus Goldman, jeune écrivain placé sur
piédestal depuis l’immense succès de son premier roman, désormais riche et
célèbre, patauge dans la boue et ne parvient pas à passer le difficile cap de
l’écriture de son second livre. Pour se libérer de la maladie des écrivains
–angoisse de la page blanche-, il fait appel à Harry Quebert, son ancien
professeur de littérature, écrivain renommé, avec qui des liens d’amitiés
durables se sont noués. Seulement voilà. A peine parti de son stage de coaching
intensif dans la propriété de son mentor, retiré dans une petite ville du New
Hampshire, la nouvelle tombe comme un couperet : Harry Quebert est arrêté
pour meurtre, le cadavre de Nola Kellergan, jeune fille de 15 ans, ayant été
découvert dans son jardin. La même Nola Kellergan, rayon de soleil local,
adorée de tous, disparue 33 ans plus tôt, sans jamais avoir laissé de trace. Harry
Quebert risque la chaise électrique. Et pourtant, des incohérences se profilent
dans le dossier de son incrimination.
Qui pourra faire la lumière, lever le voile sur la vérité
dans l’affaire Harry Quebert ? ◆
Les thèmes :
l’amour tragique ◆ l’interdit ◆ le crime ◆ l’imposture
◆ le milieu éditorial ◆ la vocation d’écriture ◆ les Etats-Unis
◆ les apparences ◆ la mystification
Joël Dicker
Ecrivain français d’origine suisse d’à peine 30 ans, 27 à
l’écriture de ce livre. Maman libraire, papa prof de littérature, arrière-papi
homme politique.
Petit diplôme de droit, sans doute de bonnes notions de
marketing. Plutôt beau garçon, habile dans l’art de se vendre, les filles lui
laissent des soutien-gorges sur ses tables de dédicace. Ahem. Are you american ?
Un frenchie qui parle si bien de l’Amérique
Au vu de la couverture du roman, du nom de l’auteur, du
style d’écriture, j’étais sure que le roman, était 100% made in America quelque
peu dans la lignée du très creux, très cliché Demain est un autre jour de Lori Nelson Spielman et que la pauvreté
littéraire des mots, c’était du à la mauvaise qualité de la traduction. Mais
non. Non, non. L’auteur est bel et bien francophone. Un petit suisse qui nous
brosse un portrait des US tellement accurate
qu’il nous bluffe, au jeu des apparences et des impostures. Tout comme les
personnages de ce roman.
Crédibilité des personnages
D’ailleurs, au niveau des personnages, on est plutôt bien.
On s’attache assez rapidement aux travers de Marcus Goldman,
sans doute une sorte de miroir de la personnalité de Joël Dicker. J’ai
particulièrement aimé ses questionnements, sa façon de tâtonner les choses de
la vie pour les découvrir, son incroyable émancipation de l’horripilant Le Formidable, passage que j’ai trouvé
particulièrement réussi d’ailleurs.
Il est difficile de ne pas tenir en respect le personnage
d’Harry Quebert. Plein de bon sens, de sagesse, touchant, énigmatique, ses
conseils sur l’écriture sont particulièrement pertinents et avouons qu’il est
un peu le genre de professeur qu’on aurait tous rêvé d’avoir. Je dirais même N#2 au palmarès, derrière John Keating (Le cercle des poètes disparus).
On s’attacherait même à des personnages secondaires.
Gahalowood, le sergent bougon qui rechigne à apprécier
Goldman en public.
Robert Quinn, l’homme gentil, balourd et malheureux.
Barnaski et Roth, éditeur et avocat, deux ordures ménagères
à scandale.
Mais les personnages féminins sont plutôt ratés.
Jenny Quinn, la soumise. Triste toute sa vie. L’a ratée en
allant à l’opposé de ses envies initiales, par lâcheté plus que par amour pour
Harry qui la rejette inlassablement.
Tamara Quinn, l’invivable. Manipulatrice, castratrice,
ambitieuse, autoritaire. Ses passe-temps préférés ? Se faire mousser,
humilier les autres et courir pleurer chez le psy « pourquoi je suis si méchante » ? Crédibilité zéro
pour le fond du personnage.
La mère Goldman, à tuer à coups de pelles. Outrageusement
emmerdante.
Mais surtout…
Nola Kellergan
Ange ? Manipulatrice ? Niaise ? Courageuse ?
On nous la dit très spéciale, fascinante, extraordinaire. On
ne nous le prouve pas.
Tout le monde veut la déshabiller. Parce qu’elle est jolie,
parce qu’elle est blonde. Mais il suffit qu’elle ouvre la bouche pour vous en
faire passer l’envie. Nola Kellergan, l’affligeante.
Ses seules ambitions ? Faire la cuisine et le ménage
pour Harry Quebert, danser sous la pluie et nourrir les mouettes. Ahem.
Moi je l’ai trouvée sans substance.
Tout ce tapage autour de Nola, N-O-L-A, N-O-L-A, ça en
devient ridicule.
Petite Cosette, petite Agnès Dempster (Folie d’une femme séduite de Susan Fromberg Schaeffer). Les 850
pages du roman nous brossent un portrait tour à tour oie blanche, puis petite
dévergondée (comme si on ne pouvait être que d’un bord ou d’un autre) pour au
final camper la vision étriquée et quelque peu sexiste d’une gamine de 15 ans,
personnage qui aurait largement eu le mérite d’être bien plus profond, de par
la singularité des choix qu’elle a fait durant sa courte vie.
Naïve, mièvre, perdue, idiote, déterminée, pénible.
Non, décidément. La sauce ne prend pas.
Mièvreries pour amour
Le règne des apparences
Du petit village d’Aurora, au NYC moderne, ce serait un peu
partout le jeu des apparences, dans ce roman. Entre ceux qui oeuvrent et
intriguent pour leurs petits intérêts personnels, difficile de se faire une
opinion, 30 ans après les faits, sur le bien fondé, les bonnes mœurs, les
bonnes intensions des personnages. Qui est honnête, en fin de compte ?
Façon Desperate Housewives, un peu. Il se cache tant de
choses sous le vernis lisse de la perfection. Prête à tout pour sauver les
apparences, cette Amérique qui joue les rapports de force, qui se menace, qui
se dénonce. C’est quand même un minimum gerbant, cet état d’esprit.
De l’importance de l’imposture
Au cœur de ce roman, le sujet central : l’imposture,
dans la lignée des apparences.
C’est bien simple : tout le monde ment, tout le monde
triche. Les secrets sont lourds, pesants. La moralité est ailleurs. Le rapport
à la réalité, biaisé. Une double lecture des éléments, des personnages est
nécessaire.
Ce qui permet des appels d’air, donne encore plus d’élan au
récit, bâti comme un thriller.
De rebondissements en rebondissements
Joël Dicker maitrise à la perfection la construction d’un
récit. L’écrivain structure habilement ses chapitres, et le lecteur ne se perd
pas un seul instant dans le labyrinthe du temps qu’il nous fait franchir, à
coup de flash-back au sein de deux histoires parallèles.
Du point de vue du suspens, j’ai adoré. Les évènements s’enchainent
avec brio, le rythme est soutenu, aucun temps mort, quand y a plus lieu d’avoir
des surprises, y en a encore. Coups de
théâtre, ascenseurs émotionnels, fausses pistes. Jusqu’au dernier moment, tu ne
devineras certainement pas qui est l’assassin. Et en ça, on ne peut que saluer
le talent de Joël Dicker.
Le livre dans le livre
Bien qu’il ne s’agisse que globalement d’un point de vue
très américain, (la littérature vue comme un produit marketing, financier), le
lecteur est confronté en première ligne à ce qui lui paraît forcément facile,
lui qui n’a pour tâche que l’ouverture de la première page, et le privilège du
jugement lapidaire ou élogieux selon son bon vouloir du roman qu’il vient de
mettre quelques heures à lire. Et ça, c’est quelque chose qu’on ne trouve pas
souvent dans les livres.
Alors bravo, Dicker. En ça tu as fait preuve de talent.
Mais le Grand Prix de l’Académie Française, on en parle ?
Non parce que moi j’avais cru qu’on décernait ce prix aux
grands écrivains, aux génies littéraires, aux Merlins l’enchanteurs des mots.
Mais non. La vérité sur l’Affaire
Quebert, s’il témoigne d’une bonne maitrise des schémas narratifs et des
lois du bon thriller, indubitablement, c’est pourri pas très qualitatif
du point de vue du style d’écriture pour rafler le plus prestigieux prix littéraire
français !
Alors il s’est passé quoi Joël Dicker ? Pots de
vin ? Séances d’hypnoses ? Morts dans la concurrence ? Papa est
un ami du jury ? Mystère.
Alors voilà, sache qu’a l’ouverture de ce livre, oui tu
seras pris dans l’engrenage. Oui, tu ne pourras plus t’arrêter. Oui, tu
repousseras le moment du coucher, oui tu ne pourras plus le lâcher. Oui tu
voudras savoir La vérité sur l’affaire
Harry Quebert. Et en ça, Joël Dicker ne peut qu’être félicité.
Mais quelques exaspérations sont au rendez-vous au cours de
ces 850 pages. Notamment le vide dans la personnalité de son héroïne
principale, Nola Kellergaman, dont aurait presque envie de pardonner le meurtre
à son assassin (ce en quoi je rejoins totalement l’avis de Bernard Pivot).
Mais La vérité sur l’affaire
Harry Quebert reste un livre prenant, surprenant, structuré, intelligent,
écrit par un jeune auteur qui plus est, ce qui constitue un pied de nez au
milieu parfois très oldschool et
corseté de la littérature.
Moi, je recommande.
Livre avalable en deux nuits.
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