Réjouissances ! Un nouveau Woody Allen cet automne dans les salles obscures : L'homme irrationnel.
Que vaut donc cette cuvée 2015 ?
"De quoi s'agit-il ici ? De morale ? De choix ? D'esthétique ? Des aléas de la vie ?"
C'est l'histoire de Mr. Le-prof-de-philo, l'homme qui a tout vu, tout vécu, tout étudié, et qui, les deux pieds dans la quarantaine, s'ennuie désormais royalement. Faut dire qu'après avoir essuyé les balles au Darfour, perdu des amis en Afghanistan, y a moyen de trouver la vie rangée plutôt fade. Mais le véritable problème d'Abe Lucas, ce n'est pas tant la fin de sa vie de baroudeur. C'est le manque de sens. Ce constat cruel que lui vaut toutes ses années consacrées à l'écriture d'essais philosophiques qui l'ont pourtant rendu célèbre : la réalité tangible détruit la logique de la théorie. En panne de créativité, d'inspiration et de désir, tout lui pèse et l'homme, dépressif, se traîne en épave.
Le voici donc en route vers un nouveau boulot. Enseignant dans une petite université.
Tout le campus, élèves et professeurs confondus, frétille d'excitation à l'annonce de son arrivée.
Abe Lucas peine à partager leur enthousiasme. Et ce ne sont pas les silhouettes de Rita, la collègue un peu nympho, ni de Jill, l'étudiante énamourée, qui sauront malgré tous leurs efforts réparer son malêtre. Et si, par le biais d'un hasard, un bon meurtre "utile", bien prémédité, était la réponse à tout ?
Globalement, j'ai plutôt bien aimé.
Comme dans la plupart des Woody Allen, la comédie de moeurs est de mise, les scènes d'expositions sont longues, parfois languissantes, et la sauce prend surtout dans le dernier tiers du film, à l'issu d'un virage surprenant qui fait basculer l'intrigue dans une autre dimension.
Les acteurs sont plutôt performants.
Joachim Phoenix, toujours dans un rôle trouble. Ecorché vif comme certaines d'entre nous les adorent, on nous présente son personnage comme un Don Juan, même si on ne comprend pas trop pourquoi. Silhouette bedonnante, cernes bleues de mec torturé, difficile de lui trouver du sex appeal. Mais il faut avouer que l'homme en a clairement l'attitude. Dans ses absurdités, on comprend pourtant le personnage, en quête de la transcendance de son malêtre. Et son raisonnement n'est pas dépourvu de sens.
Evidemment rencontrer un homme comme ça sur son passage, c'est un peu l'assurance de devenir dingue. Palpitant, séduisant, égoïste, inconstant, terriblement romantique et plutôt carrément sociopathe. Bon courage pour s'en sortir sans cicatrices.
Emma Stone, presque aussi lumineuse que dans Magic in the moonlight campe parfaitement son rôle de charmante petite intello en fleur. Dès la première minute, difficile de ne pas s'identifier à elle. Très empathique, romanesque et passionnée, elle se distingue des autres par son aptitude à se faire ses propres idées et sa tendance à la recherche d'une certaine forme d'absolu, introuvable dans l'insipide de son quotidien. Qui n'aurait pas fondu face à Abe Lucas, un esprit hors norme qui t'écrit des poèmes ? Qui n'aurait pas tenté la grande aventure avant-gardiste quand elle se présente aussi généreusement ?
"Je n'arrive pas à écrire parce que je n'arrive pas à respirer."
Le point fort de ce film, c'est tout de même le traité des sujets tels que la chance, la morale et l'usure.
Cette espèce de zone de battement, de non-droit, entre le bien et le mal, la morale et l'immoral.
J'ai bien aimé le traité de la relation amoureuse complètement bancale, la démystification du mécanisme.
La place de la chance, ou plutôt du hasard.
Forcément, toute cette histoire, ça ne pouvait que dégénérer. Et la conclusion, on ne la voit pas forcément venir.
Faut-il commettre un crime pour être heureux ?
Après le très réussi Magic in the moonlight, cuvée 2014, Woody semble revenir à ses thèmes de prédilection, dans la lignée du très marquant Match point, la débandade amoureuse et la folie criminelle.
Je recommande !
Des gens qui en parlent mieux que moi : ici, ici et ici.
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