Parce qu’il fallait que je sache.
Parce que je brûlais de retrouver Lisbeth Salander.
Parce que dans cette guerre idéologique, au cœur de ce
séisme inédit dans la sphère éditoriale soulevé par le cas Millenium, il a
fallu choisir son camp.
Moi j’ai validé l’imposture littéraire consentie.
Et honnêtement, pas une seule seconde je regrette mon choix.
Ce tome 4, c’est clairement une réussite pour le moins triomphale.
Les thèmes :
le féminisme ◆ la vengeance ◆ le polar
◆ l'autisme ◆ le journalisme ◆ la maltraitance
◆ l'espionnage ◆ le hacking ◆ l'intelligence artificielle
On l’avait adorée en train de latter la gueule à son
violeur. On s’était creusé les méninges avec elle sur l’affaire Harriet Wanger.
On l’avait admirée résoudre des énigmes mieux que la Sapö. On avait frémi quand
elle s’était mis en tête de régler son compte à Zalachenko. On avait craint
pour sa vie quand Blomkvist essayait de la sortir de ses démêlés avec la
justice. On était tous suspendus aux gestes et aux mots de Lisbeth Salander. Et
la voilà de retour. Putain, c’est bon ça.
Le pitch ◆ La rage ne l’a pas quittée. En marge de tout, retirée dans
son coin, elle veille au grain sur le net. Parce que « Celui qui surveille le peuple finit à son tour par être
surveillé par le peuple. »
Il n’est plus que l’ombre de lui-même, collectionne les
absences dans un monde où la presse est en déclin, et la concurrence rude.
Des années sont passées, ils ne se sont pas parlés.
Mais leurs chemins vont se recroiser autour de l’histoire
d’Hans Balder, éminent scientifique chercheur dans le domaine de l’Intelligence
Artificielle, au cœur d’une rixe de jeux de pouvoir où serait même mêlé la NSA
. Contre espionnage, réseaux criminels, hacking de haute voltige, surveillance
électro-magnétique… Et si la clé cette fois-ci se trouvait du côté de
l’autisme, dans les liens du sang ?
Le cas Millenium
Si jusqu’ici tu as échappé à l’engouement Millenium, réjouis-toi.
C’est un tout nouveau tout beau phénomène qu’il t’ait donné à découvrir. C’est un
peu comme quand on redécouvre un billet de 20€ dans sa poche. On n’avait pas
fait mieux depuis Harry Potter. Si, si, je te jure !
Figure vitrine des éditions Actes Sud, Millenium c’est la
trilogie qui vient du froid et qui a su mettre à l’honneur le polar suédois
dans notre beau pays comme dans le monde entier.
Aux commandes de tout ça, un petit suédois binoclard,
communiste et trotskiste, qui a rencontré sa femme dans une manif contre la
guerre du Vietnam et qui s’est forgé un avenir de journaliste, en créant la
revue Expo, structure observatoire de la montée du racisme en Suède et des
moyens mis en œuvre pour en contrer les dérives.
A ces heures perdues, l’homme s’essaye à l’écriture d’un
roman, qui devient vite une trilogie. Il faut dire que le sujet est dense et
qu’il la verrait bien s’étaler en 10 tomes, sa petite histoire. Il commence à
démarcher les éditeurs. Et bim. Il meurt. Crise cardiaque. Genre, trop pas de
chance.
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais non. Il se trouve
que sa petite histoire écrite dans l’ombre est de qualité. Et qu’un éditeur, Norstedts
Editions, accepte de la publier. Et que ça devient juste un putain de succès
littéraire en Suède. Et que le succès dépasse les frontières de la Scandinavie,
s’empare d’abord de la France, chez qui les romans rencontrent un succès inouï,
puis s’étend outre atlantique. Moins de quatre ans plus tard, les ventes
dépassent les 80 millions d’exemplaires, les adaptations télé-BD-ciné se
multiplient et même la pointure du cinema David Fincher s’empare de l’histoire
dans l’idée de la porter à l’écran de manière particulièrement réussie
soulignons le.
Désormais le nom du petit suédois, Steig Larsson est sur
toutes les lèvres alors qu’il n’aura même pas eu l’occasion de tenir son propre
livre entre ses mains. Et tout le monde est un peu beaucoup gâché de savoir que
l’aventure Millenium s’achève ici. Faut dire que c’était tellement prenant de
suivre les aventures de Blomkvist et de Salander qu’on aurait volontiers
continué pendant bien d’autres tomes.
C’est alors qu’une petite voix fluette s’élève en Suède.
Coucou, je suis Eva, la femme de Steig Larsson, et même si, c’est vrai, on
était pas mariés, on a quand même vécu 32 ans ensemble et en fait euh, ben j’ai
toutes les notes de Steig dans un carnet et un Tome 4 inachevé dans mon
ordinateur, mais je préfère mourir plutôt que de le remettre aux mains des
éditeurs, sauf s’ils me permettent de le terminer moi parce qu’en fait moi
aussi je suis écrivain.
Han bataille juridique ! Nous on est le papa et le
frère de Steig Larsson et en fait c’est nous les héritiers, et on est pas d’accord, hors de question que
ce soit toi qui aie les droits sur Millenium, Eva, parce qu’on t’aime pas.
Ah ouais c’est comme ça ? Ben y aura pas de Millenium 4
alors parce que moi je vais cacher tout ça et vous retrouverez jamais les notes
de Steig mouahahaha, sujet clos.
Du coup le lectorat doit bien se faire à l’idée. Malgré les
publications croustillantes d’Eva qui aime à attiser le chaland en laissant
fuiter deux trois petits indices sur le contenu de l’éventuel Tome 4, c’est un
peu dead pour la suite de Millenium.
Et puis un jour on apprend que Norstedts Editions mendatent
un mec pour écrire la suite de Millenium.
Oh my god. Emoi dans mon bas ventre dans les
chaumières. Polémique. De l’encre qui coule. Et le roman dans les bacs,
tentateur.
Que faire ?
Un phoenix nommé Salander
Pour ma part la question ne s’est même pas posée. C’était
sur, que j’allais me ranger du côté des lecteurs de ce sulfureux tome 4.
Rien que pour le plaisir de voir imprimé sur une page le mot
Salander.
Parce que Lisbeth Salander, à mes yeux, n’est que - rien que
ça - le personnage le plus charismatique du 21ème siècle.
Fascinante.
Percutante.
Singulière.
Rare.
Exceptionnelle.
Je me sens inspirée, impressionnée, hypnotisée, à chacune de
ses apparitions. La moindre de ses actions provoque chez moi de longues minutes
de réflexions et j’ai souvent le cœur qui palpite à la simple évocation de son
nom.
S’il est une femme que j’aurais un jour aimé incarner, après
Simone Veil, ce serait Lisbeth Salander.
J’aime tout chez Salander.
Le feu qui l’anime.
Son audace.
Son physique androgyne.
Sa force mentale.
Son sens très personnel de l’éthique morale.
La maestria dans sa manière d’aborder le rapport de force.
Ses mauvaises manières.
Son énergie, lorsqu’elle décide de se lancer dans une
affaire.
Ses démons, qui ne la laisseront jamais s’en affranchir.
Sa pudeur. Dans les sentiments, dans les marques
d’affection. Dans les liens de ceux qui retiennent son attention.
Et surtout. Surtout. Ce qu’elle fait de sa haine.
David Lagercrantz, le mec attendu au tournant
Dans le genre homme à qui tout le monde voulait faire la
peau, en acceptant d’incarner le prolongement de Steig Larsson, David
Lagercrantz a su se placer au sommet de l’échelle.
Insulté, hué, menacé dans son pays d’origine où le tollé
qu’il a déclenché se rapproche du vocabulaire de la profonation, David
Lagercrantz après avoir vécu plusieurs mois d’autarcie mystique pour les
besoins de l’écriture, se retrouve sous les feux des projecteurs à
l’international, prêt à se faire manger tout cru.
Il faut dire que l’homme diffère à 100% de Steig Larsson,
binoclard peu séduisant issu d’un milieu modeste. DL, gentleman issu de la bourgeoisie, avec
son joli port de tête et ses yeux cobalt, fils de l’éditeur vedette du Le Monde suedois, ne partait pas vraiment
gagnant dans le jeu du « j’incarne
la prolongation de Steig Larsson parce que lui et moi on se ressemble ».
On ne peut donc reconnaître à David Lagercrantz que du
courage pour avoir osé braver le triple tribunal qui l’attendait de pied ferme,
tomates à la main : celui du clan Larsson, celui de toute l’intelligentia
littéraire suédoise et outre-mer, et celui des hordes de fans de Millenium
prêts à le passer à tabac à la moindre erreur stylistique.
Et pourtant, il suffira de lire quelques pages pour
comprendre que David Lagercrantz, qui ne s’est pas démonté le moins du monde
devant l’ampleur de sa tâche titanesque, a su relever le défi avec brio. En
fait, c’est lui qui nous attend au tournant, maintenant.
Parce qu’il est vraiment réussi, ce tome 4, David.
Tome 4 : Ce qui ne me tue pas
Le tome 4 s’ouvre avec la découverte de nouveaux personnages
dont on entrevoit les enjeux dès le premier chapitre. J’ai aimé la
configuration difficile que forment leur équilibre de vie.
J’ai aimé m’enfoncer dans l’histoire de plus en plus sombre
de l’enfance de Lisbeth Salander. Tout part de là. Comme si ce n’était pas déjà
assez horrifique, son passé, voilà un nouveau pan qui s’ajoute au tableau de
toutes ces atrocités. Un soufflet qui alimente ce feu dans la cheminée, ce feu
vengeur qui se consume, qui hurle les tourments de sa haine. Tellement parfait.
J’ai aimé à l’ajout du mystère politique, le mystère humain
en le personnage d’August Badler, enfant autiste, à mi-chemin entre le demeuré
et le génie.
J’ai aimé me sentir inférieure.
Dans ce dédale d’organisations gouvernementales dont le
grand public ne possède pas les clés et doit s’accrocher pour comprendre les
intérêts transversaux.
J’ai aimé tous ces noms qui viennent du froid, toutes ses
sonorités nordiques, tout ce charme baltique résonner dans mes oreilles au fil
des lignes.
J’ai aimé la pudeur dans les retrouvailles entre Lisbeth et
Blomkvist. Improbable duo qui marche droit, entre respect, amitié, attirance et
sensualité, dont on ne saurait que trépigner d’impatience pour savoir quel
tournant prendra la relation.
J’ai aimé frissonner. En le personnage de Camilla
Zalachenko, la sirène maléfique.
J’ai aimé la façon dont David Lagercrantz a su s’en emparer.
Mortelle, comme Lisbeth. Peut-être même pire. S’en est terrifiant.
Terrifiant aussi, cette mort innocente ajoutée au roman, pas
très larsonienne. Juste pour le plaisir de s’ancrer dans le monde réel, tel
qu’il tourne en 2015, émancipé des tendances candides qu’ont pu cultiver les
façons de penser des décennies précédentes.
J’ai refermé la dernière page de l’intrigue avec le regret
de ne pas en avoir 300 de plus à avaler. Et le vague à l’âme à la simple pensée
qu’il faudra attendre encore quelques années avant de pouvoir se remettre un
Millenium sous la dent, si Norstedts Editions s’applique à jouer de nouveau le
jeu de l’hérésie.
Bref le roman tient
ses promesses. David Lagercrantz signe carrément une prouesse et se montre
indubitablement le digne successeur de Steig Larsson. Il n’y a plus qu’à
espérer, comme le laisse penser l’intrigue, que Lagercrantz reprendra
durablement le flambeau de Millenium pour aller butter sa gueule à Camilla
Zalachenko.
A lire absolument, pour tous les fans de Millenium et ceux
qui auraient l'envie de saisir le pourquoi du comment d'un phénomène littéraire.
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