Cher pays de notre enfance

10 janv. 2016





Cher pays de notre enfance,

Enquête sur les années de plomb de la République



Il faut toujours écouter les petits libraires. Enclencher un processus de déshabitude de la Fnac. Bannir Amazon à tous jamais. Car ce sont sur les rayonnages des librairies que naissent le succès littéraire des jolies perles de l'édition. J'en tiens une entre mes mains.

Cher pays de notre enfance, c'est une bande dessinée purement politique, née de la collaboration d'un auteur de BD et d'un journaliste. De la génération de nos parents, Etienne Davodeau et Benoît Collombat revisitent ensemble les dossiers très secrets d'une époque peu glorieuse de la Vème République.


Au travers de ces pages, des jugent meurent, des ministres aussi, les truands sont intouchables, le tout sur fond de guerre post-colonialiste. Bienvenue dans l'une des phases les plus sombres années du gaullisme d'après-guerre.

J'ai adoré.
Comme la plupart des moins de 30 ans certainement, je n'avais jamais entendu parler de l'affaire Boulin et du juge Renaud, des scandales liés au S.A.C, sorte de milice parallèle qui n'avait pas grand chose à envier à la Camorra.

Après la lecture de cette BD, outre le fait d'avoir appris des trucs assez ahurissants, j'ai clairement la sensation de désormais mieux comprendre le paysage politique contemporain, tant dans ses choix que dans ses analyses.

Présenté sous forme d'une investigation policière, Etienne et Benoît font se délier les langues, quarante ans plus tard, cheminent de témoins en témoins, épluchent les documents d'archives.

Affaires classées trop tôt, témoins non-entendus, autopsies falsifiées, scandales étouffés... Elle était pas très belle la république gaulliste des 70ies. Elle était même carrément bananière, en fait.

Cher pays de notre enfance, c'est une B.D qui demande de la concentration. Le sujet est sérieux, il faut parfois revenir en arrière sur des dizaines de pages, sous peine de ne rien comprendre.

Les dessins d'Etienne Davodeau sont simple, clairs, limpides, le trait est souple, précis, n'ayant pour but que la mise en valeur du texte. J'ai trouvé la scénarisation, portée par le cadrage, très intelligente, de même que les subtilités et les touches d'humour qui jalonnent les 200 pages de la BD.

Bref, un document exceptionnel, une vraie perle que cette BD.
A mettre entre toutes les mains, surtout celles de ton petit cousin qui aspire à pénétrer les bancs de la République, si toi aussi tu en as un.

On en entendra probablement bientôt reparler, de ces affaires : cet été, le tribunal de Versailles a consenti à la réouverture du dossier Boulin.



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