Café in au Mucem

2 janv. 2017





A quelques exceptions près, les expos du MUCEM, on en ressort souvent avec l'impression de s'être emmerdés prodigieusement. Souvent centrées sur le Moyen Orient, les conflits religieux, une petite odeur de poussière et le cruel manque d'une approche esthétique et artistique dissuadent de se pencher sur les expos du désormais très connu plus grand musée marseillais.

Café In fait partie des exceptions.


Coproduit par Malongo et partenaire de Technicoflor, l'exposition Café In montée par Jean-Michel Djian, journaliste, écrivain et politicologue, explore sous un angle multiple l'histoire riche et pourtant si peu connue du café, un produit usuel dont nous ignorons pourtant tout : il s'agit de la première exposition sur le café en France.

"De la baie à la tasse, c’est l’histoire, la géographie, l’économie, l’environnement, la consommation, la publicité et l’esthétique du café qui se mêlent et s’emmêlent dans un vaste et même univers. Il s’agit in fine de transformer le visiteur / consommateur de café en spectateur éclairé d’une histoire qu’il soupçonnait peu et dont il vient de comprendre qu’elle lui est familière." dixit le MUCEM lui-même.

A travers le temps et les continents. Le Caire, Istambul, Venise, Viennes, Marseille, Paris, Londres, New York, Sao Paulo, La Havane... Café In part du postulat que tout le monde s'est interessé au café. Balzac, Sartres, Daumier, Geluck, Sophie Calle, pour la part des français.

Bref. L'expo est un véritable succès. 

Pour son sujet tout d'abord, vaste et passionnant, qui a tout à voir avec la méditerranée.
Pour la façon dont sont présentées les choses. De vieux objets, de magnifiques grandes photos imprimées sur les murs, des extraits de textes, de vrais grains de café, des vidéos INA, des collections d'affiches, des effluves à respirer...

L'intérêt c'est aussi les activités connexes suscitées par l'expo : Café Off, dans toute la ville.
La course de garçon de cafés, une tradition des années 20, abandonnée depuis les années 60, organisée pour l'ouverture de l'expo. Mais aussi tout un large panel de conférences, d'événements et de desserts à découvrir au travers de la ville.


Faisant moi-même partie des 1 personnes sur 3 ne buvant pas de café en France - environ 5 cafés par an - j'ai appris beaucoup de choses sur le café. 



  • Son origine en Ethiopie, que je situais plutôt vers les pays d'Amérique latine.
  • La propagation de la boisson caféinée jusqu'à l'Europe, par les grandes voies commerciales des marchands arabes.
  • Le café est arrivé en France par Marseille. Oui, oui, oui. 
  • Le premier bistrot en France, la première maison de café donc, est ouverte à Marseille. Par un arménien.  
  • La date de son introduction en Europe vers 1650, que je situais plus tardivement. 
  • Les grands producteurs de café situés en Amérique latine aujourd'hui.
  • L'origine de la viennoiserie en forme de croissant, due à une victoire des autrichiens sur les invasions turques, les boulangers ayant repris la forme du croissant islamique sur les drapeaux des soldats turcs, histoire de bien les narguer.
  • Le succès d'une boisson comme le café, dans une époque où la boisson phare est l'alcool et où les gens, très ivrognes, sont plus dociles et faciles à manipuler.
  • L'enjeu politique du café : les gens, quittant peu à peu les vapeurs d'alcools, se regroupent dans les maisons de café pour discuter, et deviennent plus critique envers le pouvoir central.
  • L'interdiction religieuse qui frappe le café : les maisons de café, à la moralité parfois douteuse, côtoient souvent des maisons de plaisir et l'Eglise, musulmane et catholique, en perte de contrôle, fait valoir ses condamnations pour la boisson noire qui détourne de Dieu : la boisson de Satan. 
  • La beauté du rituel caféiné : dans la rue en Afrique, dans les maisons de café en Europe et en Amérique latine... De très très très belles images.
  • Les difficultés de sa culture : présentés sous forme de baies à quatre couleurs, seules deux couleurs sont exploitables, des heures et des heures de travail en vue pour les cueilleurs, dans des conditions pas forcément faciles.   
  • Les problèmes écologiques, éthiques et économiques qu'il engendre : surcoût de production, baisse des prix, monoculture et recul des diversités de variétés au profit de l'arabica et du robusta. 
  • La montée du commerce équitable au travers de la production de café dans le monde, une très bonne nouvelle.
  • Le fait que les premiers consommateurs de café au monde soient les pays scandinaves. 
  • Le déclin des bistrots en quelques années divisé par dix depuis les années 60, bien moins nombreuses au fil des années. 
  • La dose mortelle de café : 100 café bus en 4h. 
  • Le désastre écologique des dosettes de café, dont l'expo parle peu. Un seul fautif, son créateur : Nespresso. Avec chaque année environ 7 tours eiffels de déchets de capsules vides à jeter. 


On en ressort avec l'envie... d'aller boire un café. Forcément.
Une superbe adresse pour aller se détendre après l'expo, par ce froid hivernal : Le Palais de la Major, aux Voutes de la Major (2 place Albert Londres - 13002 Marseille )


En savoir plus 

- Café Off, le programme ici

- Le très chouette intro de l'expo par son commissaire, Jean-Michel Djian (8min d'écoute) ici


- Nadar, Boissonas, Fernand Detaille : une dynastie de photographes à Marseille ici

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"Café In" au MUCEM
 7, promenade Robert Laffont (esplanade du J4)
Du 26 octobre 2016 au 23 Janvier 2017