{ coup de coeur } L'ombre du vent ◆ Carlos Ruiz Zafon, amour des livres, secrets & mystères dans la Barcelone gothique

16 mai 2017




Ce mois-ci le thème de l'édition d'avril du #clubdelectureMS, c'était les livres qui rendent hommage aux livres, encore une très chouette thématique. Dans la sélection tout me tentait cette fois-ci, difficile de choisir. Sur mes étagères le titre L'ombre du vent trônait déjà, jamais ouvert, acheté plus tôt chez mon libraire préféré, dans une belle édition aux tirages limités. Aussi, j'avais bien évidemment voté pour ce titre, et m'étais réjouie qu'il fut l'heureux élu de l'édition 2017. Je n'imaginais pas tomber sur le coup de coeur littéraire qui fait du bien, celui qui n'arrive mine de rien pas si souvent.




résumé

Le pitch : Daniel Sempere, 10 ans, est conduit par son père dans un lieu insolite, dont l'adresse secrète se murmure sur les lèvres des initiés : le cimetière des livres oubliés. Daniel a le droit de choisir un livre. Son père le prévient : le livre qu'il choisira, il en sera responsable pour toujours. Les doigts de l'enfant se posent sur L'ombre du vent, de Julian Carax. Et jamais il n'eut cru que ces quelques pages changent à jamais sa vie, car L'ombre du Vent poursuivra Daniel au fil de son adolescence, dans la Barcelone des années Franco. De nombreux mystères entourent l'histoire de ce livre et de son auteur. A commencer par cet inquiétant personnage à la solde de tous les romans de Julian Carax pour les brûler.


Les thèmes : 
 ◆ l'amour des livres ◆ l'adolescence  Barcelone ◆ l'apprentissage 
  la guerre  l'amitié  le souvenir  l'amour



avis perso


J'ai adoré L'ombre du vent. Véritable coup de coeur littéraire, comme il s'en fait peu dans le roman contemporain, en fin de compte.

Les riches heures que j'ai passées en compagnie des 660 pages du romans m'ont littéralement transportée à Barcelone, où il me démange désormais de retourner dans les plus bref délais.

J'ai aimé le style d'écriture. Première personne au passé simple, prend souvent la forme des pensées du narrateur et les traits d'esprit sont aussi nombreux que savoureux sous la plume de l'auteur. Carlos Ruiz Zafon excelle dans l'écriture des dialogues, flirte souvent avec la philosophie. Quelque chose d'indéniablement frais se dégage des mots de l'auteur.

Cette fraicheur, il la doit aussi beaucoup à ses personnages.

Daniel, courageux garçon au grand coeur, héros malgré lui d'une histoire qui le dépasse mais qu'il compte bien finir par maîtriser, d'une maladresse et d'un égoïsme parfois détestables. Son père, un homme au grand coeur, triste et replié dans son chagrin, volontairement en retrait des choses. Fermin, le grandiloquent causeur, le théâtral, irrémédiablement attachant. Fumero le terrifiant, avec son sadisme éthéré. Mr. Aldaya, son empire, son paternalisme, sa générosité comme sa cruauté. Penelope Aldaya, la poupée, la princesse qui ne pouvait faire un pas. Nuria Montfort, la très touchante femme au coeur de tout par son sacrifice.

Et bien sûr Julian Carax. Le brillant, l'envoûtant, l'obsessionnel, le déchu Julian Carax.

Les personnages secondaires ne sont pas en reste. Le chapellier Fortuny, Sophie Carax, Tomas Aguilar, Mercedes, Bernarda, Jacinta, M. Frederico, M. Barclo, Clara, et surtout, surtout, le grand coeur de Miquel Moliner. Tous sont intéressants, crédibles, travaillés.

On notera qu'il s'agit d'un univers globalement très masculin.

J'ai parfois sourcillé au fil des pages, le machisme ambiant étant très présent dans cette histoire où les femmes sont très particulièrement malmenées (façon de parler des femmes, violence des pères, violences des maris, le calvaire de Sophie, celui de de Beatriz, le destin de Penelope Aldaya, de Jacintha, de Nuria Montfort...), le phrasé de l'auteur laisse un doute quant à sa façon de le traiter : le condamne-t-il ou le trouve-t-il terriblement normal ?

Ce qui donne de l'élan à L'ombre du vent, c'est bien entendu le propos de l'auteur et sa volonté de reconstitution historique. En choisissant d'ancrer l'histoire dans le Barcelone des années franquistes, en pleine guerre civile, l'auteur touche d'autant plus son lecteur. Aux péripéties déjà compliquées de l'intrigue s'ajoutent les menaces et terreurs inspirées par le régime autoritaire, où les gens disparaissent, les morts s'empilent et sont jetés dans des fausses communes, les assassinats courants, toujours maquillés grossièrement par les généraux, les filatures constantes et les intimidations décomplexées.

Mais ce qui porte littéralement le roman, c'est bel et bien la déclaration de l'amour de l'auteur pour la ville de Barcelone, un amour qui nous est clairement commun. Si j'ai adoré pouvoir me repérer au travers des noms des rues que je visualisais bien, ( Las Ramblas, la plaça Cataluna, la plaça reial, le passeig de Gracia, le cimetière de Montjuic, el Raval, la Barcelonetta, la Boqueria, Diagonal...), ma connaissance de la ville s'est élargie avec les références au Tibidabo, une découverte antérieure mais récente que j'ai hâte d'aller voir de mes propres yeux. Au fur et à mesure que je naviguais avec Daniel dans la ville, j'essayais de me figurer à quoi pouvait ressembler Barcelone il y a presque un siècle. Mon imagination s'est activée pour se faire des images visuelles de la propriété des Aldaya, de la chalpellerie Fortuny, de l'appartement des Barcelo...

Seul fait intriguant, la lourde présence d'une atmosphère froide, brumeuse et pluvieuse sur Barcelone, un climat que je ne lui connais pas et dont je n'arrivais pas à me figurer l'image ni le coeur de l'atmosphère.

J'ai aimé la très claire ascendance française qui jalonnait le roman. Julian Carax a quelque chose de très français en lui, sa vie d'artiste maudit dans une chambre de bonne sous les toits de Paris. La France représente le salut de nombreuses fois et l'auteur semble faire part de l'admiration / affection qu'il porte à notre culture.

Cerise sur le gâteau, dernier atout phare du roman, c'est cet amour des lettres qui transpire de ce livre et a su m'emporter dans les tréfonds de son histoire. On sent tout le respect, la fascination que l'auteur porte au monde des livres et des arts. Les personnages, écrivains, libraires, éditeurs, sont nombreux à êtres affiliés à la chaîne du livre et ceux qui ne le sont pas arborent des professions toujours un peu singulières, comme chapelier, professeur de musique, horloger... Tous convergent de près comme de loin à l'amour des livres et à la sensualité du papier, bien que dans l'esprit de certains plane la menace américaine de la télévision, celle qui rendra le livre obsolète.



L'ombre du vent se lit comme un polar, tout donne envie de percer le mystère de Julian Carax. A mesure que le lecteur comprend que Daniel s'est fourré dans de beaux draps, désormais suivi du moindre geste par le terrible inspecteur Fumero, son manque de prudence, lié à l'insouciance de son jeune âge, n'échappe pas au lecteur qui se ronge les sangs et se demande comment tout va se terminer. 





l'auteur


Carlos Ruiz Zafon, petit barcelonais cinquantenaire, issu d'un père assureur et d'une mère femme au foyer, grandit dans l'amour des récits, qu'il se fait dans sa tête dès l'enfance. A l'adolescence, il monte un fanzine avec des copains, finalement censuré par le directeur, jugé trop sanglant. 
Cet amour du fantastique et du gothique, le suivra toute sa vie. A 14 ans, il écrit un roman de 600 pages, ses premiers essais sérieux d'écriture. Son bac en poche, Zafon se dirige vers la publicité, où il excelle de nombreuses années et connait l'aisance financière. Mais il sent bien que la pub n'est pas vraiment son truc. Il s'essaye à la littérature jeunesse et s'arrête rapidement. Son truc à lui, c'est le roman, clairement. 

Sa marque de fabrique ? Cette veine gothique et mystérieuse, qu'on retrouve facilement dans ses romans. 

C'est bel et bien L'ombre du vent et son cycle Le cimetière des livres oubliés qui le propulsent au sommet avec plus de 14 millions de livres vendus en Espagne et dans le monde. L'engouement est sans précédent. Récompensé par de nombreux prix, traduit dans une multitude de langues, Zafon aime à raconter à quel point son premier éditeur n'avait pas parié un sous sur sa pépite, jugée trop peu commerciale. 

Désormais auteur à succès, Zafon et sa femme s'installent à Los Angeles, où il s'introduit également scénariste, en parallèle de la rédaction de ses romans. Il partage désormais sa vie entre Barcelone et Beverly Hills. Carlos  Ruiz Zafon est aujourd'hui l'auteur espagnol (encore vivant) le plus lu au monde. 



conclusion

J'ai tout bonnement adoré la lecture de L'ombre du vent et le recommanderai volontiers à tout le monde. Pour peu que tu aimes l'univers du livre et le soleil de l'Espagne, bingo, c'est tiercé gagnant.
L'intrigue est ingénieuse et palpitante, l'écriture est aussi prenante qu'intelligente, les personnages sont d'une finesse rafraichissante et l'immersion dans le Barcelone de l'après guerre civile est juste saisissante. Aucune fausse note dans ce roman savamment orchestré entre amour du livre, émois de la découverte et mystères à percer sous un mot d'ordre des choses : la curiosité !

Cette lecture m'aura immensément donné envie de me plonger plus profondément dans l'histoire de l'Espagne, une culture que j'aime énormément mais que je connais si peu en fin de compte, surtout lorsque l'on réalise que la fin du régime totalitaire franquiste ne date que de 1975... 

L'ombre du vent est aussi le premier tome d'une trilogie, le cycle du Cimetière des livres oubliés. Les deux tomes suivants se nomment Le jeu de l'ange et Le prisonnier du ciel. Un quatrième tome, El laberinto de los espíritus, déjà parut dans sa version espagnole est actuellement en cours de traduction française. De mon côté j'ai déjà réservé les deux prochains à la bibliothèque. 


 A Lire  
- Marina (le roman chouchou de l'auteur)
- Le Cycle du Cimetiere des livres oubliés (L'ombre du vent / Le jeu de l'ange / Le prisonnier du ciel / Le labyrinthe des esprits)
- Le Cycle de la Brume (Le prince de la brume / Le palais de minuit / Les lumières de Septembre)

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