Clara Malraux : nous avons été deux ◆ Dominique Bona

28 mars 2017






Il n'est pas si habituel que ça de croiser des romans grand format chez mes parents, qui privilégient plutôt les éditions de poche, par grand pragmatisme. Celui-ci a trôné des années en tête de gondole dans la grande bibliothèque. Sans que je m'en rende compte, sa couverture s'est imprimée dans ma tête, me rappelant chaque fois que mes yeux s'y posaient que je n'avais pas la moindre idée de qui était Clara Malraux. Alors un jour d'attente et de désœuvrement informatique, j'ai fini par me plonger dans sa lecture, sûre d'y trouver ma came. C'est l'effet Dominique Bona, déjà prouvé par deux fois.





Le pitch : Malraux, ce n'est pas seulement André. C’est aussi Clara : sans elle, sa vie, sa légende auraient sans doute été différente.Entre eux a existé un lien fait de complicité et de passion. Ils se sont aimés déchirés, rongés. Ils ont tout connu ensemble, sauf l'ennui.


Les thèmes :


l'écriture ◆ l'art ◆ l'indochine ◆ la liberté ◆ l'insoumission ◆ l'amour 
 les années 30 ◆ la Seconde Guerre Mondiale  ◆la résistance




Un roman de Dominique Bona, c'est toujours l'assurance de passer un bon moment tout en apprenant des choses. On referme toujours un de ces romans en ayant mieux compris un bout de siècle, certains événements de l'histoire française, et la sensation persistante d'avoir passé de riches heures en compagnie d'une jolie fresque de vie très romanesque.

Une fois n'est pas coutume, c'est le cas de Clara Malraux : nous avons été deux. Dans la lignée de Gala, la muse redoutable et Berthe Morisot, le secret de la femme en noir, que j'avais déjà savouré, Dominique Bona nous peint le personnage, qu'elle a très largement pris en sympathie, de Clara Malraux, la première femme de l'écrivain André Malraux.

Comme d'habitude avec Bona, c'est fin, c'est subtil, c'est une peinture, un portrait très fidèle et franchement très immersif du personnage et de son époque. Reconstitution méticuleuse et toute en finesse de son intéréssé, auquel elle greffe une peinture plus large de l'univers lui gravitant tout autour.

On prend carrément des leçons de psychologie avec les romans de Dominque Bona.
J'ai toujours clairement l'impression de mieux comprendre le monde après la lecture d'un de ses romans. Ses points d'analyse sont si intéressants qu'inconsciemment j'ai tendance à faire mien son mécanisme des choses pour décrypter l'univers qui m'entoure.


Clara Malraux c'est donc l'histoire éponyme de la première femme d'André Malraux, dont elle ne saura jamais se dépâtir de l'ombre. Il faut dire qu'elle avait eut du flair en ferrant ce poisson. Le petit André Malraux léguera quelques chef d'oeuvres de la langue française, s'illustrera en héros de guerre et finira Ministre de la Culture dans la France des années 60.  

J'ai aimé le caractère libre et passionné de Clara. Toujours en quête de voyages, ouverte aux horizons, à la différence, curieuse et intelligente, aux antipodes d'une Josette Clotis franchement risible de par ses idéaux étroits et sa vision de la vie si conventionnelle.

J'ai adoré le personnage de Louise de Vilmorin, auréolé de sa prestance naturelle d'élégance, d'esprit et de séduction. 

J'étais fascinée par l'aura qui se dégageait de Clara Malraux dans son aptitude à se lier d'amitié avec les grands de son siècle. St Exupéry, Aragon, Mauriac, Gide, etc, etc...

Très impressionnée par la puissance de ses réflexions (quitte à être une cible, autant être activiste), du courage déployé dans l'horrible contexte de ces années de guerre, j'ai suivi ses péripéties au suspens difficilement soutenable avec fièvre. 

J'ai aimé sa fraicheur d'esprit, et l'ai facilement imaginée militante dans la panique de Mai 68 au milieu des jeunes du tiers de son âge. 

J'ai été sincèrement touchée par le destin cruel de cette femme méritoire et brillante, écrasée sous le joug du machisme, prête à tout pour mendier tant son amour que sa reconnaissance. 

Des années de souffrance pour un simple mot, une validation qui ne lui viendra jamais et cette rancune tenace, cette blessure profonde, dont elle ne peut se défaire. 

J'ai tour à tour détesté et admiré André Malraux sous le prisme des mots de Dominique Bona. Grand égoïste, machiste invétéré, tête à claque de petit impérialiste, c'est aussi un homme brillant, courageux, aussi passionnant que charismatique. 

De cette idylle puissante, aussi totale, bancale et dévastatrice, tellement réaliste dans sa beauté comme dans sa cruauté, j'ai aimé me laisser porter le long de ses beaux instants de vie, si fortement résumés à mon sens par la phrase de Malraux : "La culture, c'est l'ensemble des formes qui ont été plus fortes que la mort".  







Dominique Bona, née à Perpignan en 1953 à Perpignan, est la fille d'Arthur Conte, écrivain et journaliste.

La jeune femme met ses pas dans les siens, après une agrégation de lettre moderne à la Sorbonne et s'enrôle dans le journalisme. Quotidien de Paris, France Culture, France Inter, Le Figaro. Son premier roman, écrit à 28 ans, est le premier d'une liste qui ne cessera jamais de se tarir. A partir de ses 45 ans, les prix s'enchainent en cascade. Renaudot, Méditerranée, Interallié, bourse Goncourt...

Parallèlement à ses activités de critique littéraire pour le Figaro et Version Fémina, elle ne cesse d'écrire, alternant romans et romans biographiques où la condition féminine tiendra toujours une place centrale, mains dans la main avec Grasset, son éditeur.

Dominque Bona s'est fait remarquer pour sa maîtrise des biographies, écrites à la façon d'un roman. Romain Gary, Gala, Stefan Zweig, Gala, Paul Valéry, André Maurois, Berthe Morisot, les soeurs Rouart et Hérédia, Camille et Paul Claudel...

C'est en 2014 qu'elle est accueillie à l'accadémie française, rejoignant le rang des immortels où elle y figure en tant que 8ème femme depuis la création de l'ordre.



Du grand Dominque Bona, comme à chaque fois. L'histoire de Clara Malraux c'est avant tout l'histoire d'un couple, resserré, désuni, sombre et étincelant, aux prises avec lui-même dans l'air de son temps.

Mais c'est aussi et surtout, sous couvert de la fièvre d'écrire, cet amour du voyage, de l'autre, de la culture, marchés sur le chemin de l'aventure aux confins du monde et des transformations du siècle. 
Le tout porté par les mots magnifiques et la subtilité d'analyse auquels Dominique Bona nous a habitués. 

A dire vrai je me suis beaucoup reconnue dans le personnage de Clara Malraux. Et j'espère plutôt réussir à mener ma barque de sortes à ne pas mettre mes pas dans ses erreurs. Merci pour ces enseignement, Clara. 



- La condition humaine - André Malraux
- La tentation de l'Occident - André Malraux
- La lutte avec l'Ange - André Malraux
- Le bruit de nos pas - Clara Malraux
- Je suis née inconsolable : Louise de Vilmorin - Françoise Wagener

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