Expo 58 ◆ Jonathan Coe

10 août 2015

jonathan coe expo 58 exposition universelle

Tomber par hasard sur un roman qui traite des coulisses d'une Exposition Universelle. Improbable, tellement c'est d'actualité brulante pour moi, fraichement de retour de l'expo de Milan.



Les thèmes : 
 ◆ la politique ◆ le désamour ◆ la différence 
◆ l'ennui ◆ l'international ◆ la guerre 
◆ les années 50 ◆ l'espionnage ◆ le progrès 


Le pitch  1958. Cette année c'est à Bruxelles que se tient l'Exposition Universelle. Et si les belges s'en réjouissent, fiers d'exhiber leur puissance dans la construction de l'Atomium, le monde occidental, toujours plongé en pleine guerre froide, redoute les éclats de force. Il faut dire que pour ne rien arranger, l'organisation belge a l'humour de placer côte à côte les pavillons des blocs soviétique et américain. 
C'est donc dans ce contexte tendu du milieu du siècle que débarque Thomas Foley, petit homme rangé, étonnamment nommé à la tête de la délégation pour superviser la bon fonctionnement du pavillon britannique.
Très vite, Thomas Foley oublie femme et enfant dans ce tourbillon d'amusements que procure ce lieu d'exception, où chaque nationalité fraternise le temps de quelques mois. Mais derrière le sourire du scientifique anglais, de l'actrice américaine, du journaliste soviétique et de l'hôtesse belge, ne se jouerait-t-il pas une partie que personne ne peut soupçonner ? 




J'ai aimé.
Le contexte. Cette expo 58, avec ses pavillons, ses tensions, ses remarques géo-politiques, ses petites réflexions d'époque (une femme qui a des opinions prend le risque de déplaire aux hommes !) , ses imperméables beiges, ses chapeaux, ses hôtesses, ses gens qui fument tout le temps, ses indigènes et ses dîner mondains. 

Le style d'écriture. Qui passe crème. Comme une lettre à la poste. Avec du bon vocabulaire, des tournures bien construites. Roman très bien traduit, d'ailleurs (en même temps, traduit par la traductrice française de Philip Roth, quoi).

Les dialogues. Justes fabuleux. Bourrés d'esprit et d'humour.

Les personnages. Hauts en couleur, épais comme je les aime.

Le rythme. Lisse, avec des accalmies. Plus dans la réflexion de fond, l'envie de prendre du recul. Enfin un roman dont on n'est pas esclave. Je peux le poser sur ma table de nuit et prendre plaisir à le retrouver le soir, sans me sentir mal toute la journée parce que je ne peux pas penser à autre chose. Le suspens est pourtant au rendez-vous, et j'ai très envie de savoir la suite. J'aime. 

Les fantômes de la guerre. La guerre en cours. La guerre de 14-18. La guerre de 45. Toutes ses séquelles encore très présentes dans l'histoire des européens modernes.

La british touch. Ce petit flegme anglais, cette auto-derision, cette façon de glisser sur les problèmes comme sur les nuages.

J'ai ri.
Les querelles avec le voisin Sparks. L'insupportable con bien trop présent qui menace de faire basculer l'histoire en vaudeville.

La parodie du roman d'espionnage. Tel OSS117, Foley qui se voit pour mission de séduire une femme, tout excité dans son entreprise de James Bond d'opérette.

L'échange de lettres entre la femme délaissée et le mari qui s'amuse, savoureuses et parfaitement utilisées pour faire avancer l'histoire. 

Je suis restée songeuse.
Sur le propos de fond. Le naufrage. Le désamour, l'euphorie, l'excitation. 
J'y ai senti cette impression, si bien traitée dans Le grand Meaulnes. Ce coté si fortement éprouvé d'une joie éphémère qui va marquer les esprit au point de vouloir revivre le moment, même des décennies plus tard.

L'auteur, Jonathan Coe, c'est un petit auteur britannique discret, célèbre, issu de la classe ouvrière, désormais cinquentenaire. De notoriété internationale depuis Testament à l'anglaise, son roman coup d'éclat vingt ans plus tôt, l'écrivain prolifique, traduit dans de nombreuses langues, rencontre son public, année après année, pour ne jamais déchoir.


Bref, un récit de qualité, parfaitement documenté, écrit avec humour et intelligence. En refermant sa dernière page, j'ai eu la sensation d'avoir voyagé, et dans le passé et dans l'espace. Et j'aurais donné cher pour y avoir travaillé moi aussi, à cette Expo 58. Je recommande !


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