Cet hiver, à l'occasion des vingt ans de la mort du sculpteur, c'était la rétrospective César qui était à l'affiche du Centre Pompidou. Organisée en grande pompe, avec le pouce doré de l'artiste trônant fièrement sur l'esplanade à l'entrée du musée, tout laissait penser que César, la rétrospective allait valoir le coup d'oeil. Et comme qui dit expo au Centre Pompidou dit forcément gage de qualité, j'y suis allée confiante, à peu près certaine de passer un bon moment. Le résultat fut au delà de mes attentes.
César, artiste marseillais, on le connait "bien" à Marseille. Surtout nos aînés, qui l'ayant connu de son vivant, ont assisté, circonspects pour la plupart, à la pose du fameux pouce au rond-point de Bonneveine (à deux pas du Musée d'Art Contemporain de la ville).
Quand, enfant, je demandais pourquoi il y avait un pouce géant sur le rond-point, je me rappelle que le nom "César" résonnait dans la voiture (moi, je pensais à Jules César) mais que personne n'était en mesure de m'expliquer le pourquoi du comment. Comme quoi, l'art contemporain a Marseille n'avait toujours pas gagné ses lettres de noblesse aux yeux des habitants - rien n'a changé de ce côté là, malheureusement.
Au [mac] de Marseille, on expose fièrement des sculptures de César dans le fond de la collection permanente, et ce, depuis des années. Les fameuses voitures compactées, les coulées de métal laquées... Si ses oeuvres m'ont toujours parues intrigantes, elles n'ont jamais soulevé grand enthousiasme chez moi, depuis l'arrière-salle mal éclairée du [mac]. Mais ça, c'était avant la rétrospective César à Paris.
Dès l'entrée, pour tout de suite mettre le visiteur au diapason, un pouce doré se dresse en extérieur, sur la place Pompidou. Tiens, je suis en terrain familier. Marseille, es-tu là ?
La scénographie de l'exposition se décompose en fonction des grandes périodes créatrices du plasticien.
A l'entrée, sa magnifique période Fers soudés affiche d'étonnantes et sublimes créatures de ferraille, torturées et créatives à souhait, so "arbres morts". A ses débuts, César, qui ne peut pas se permettre d'utiliser des matériaux haut de gamme, se rabat sur les déchets de fer qu'ils trouve ça et là. L'imaginaire de l'artiste est déjà fertile, et n'a rien à envier aux idées de Georges Lucas. Sa Fanny Fanny de bronze n'aurait pas dénoté dans Star Wars.
Nous sommes un jeudi soir de Janvier, en fin d'après-midi. Les visiteurs sont nombreux et les visites guidées résonnent dans l'immense salle avec vue sur les toits de Paris. Il fait gris, le soleil barré de nuages se couche et le Centre Pompidou ne m'a jamais paru si beau. Et pour cause : toutes les cloisons ont été enlevées pour l'occasion, faisant du 6ème étage du Musée un vaste espace d'exposition particulièrement sublime.
Plus loin, deux magnifiques sculptures sans tête, imposantes et gracieuses, hypnotisantes, entre la madone africaine et le stormtrooper galactique attirent le regard.
Puis son épisode du pouce, avec les Empreintes. Un moulage du sien, décliné sur plusieurs tailles (de 42 cm à 12m) et matériaux (résine et bronze, son matériau préféré). Le plus beau : ce bronze patiné, couleur laiton. Trône à leurs côtés le moulage d'un sein, celui d'une danseuse du Crazy Horse.
Viennent ensuite ses Expansions, semblables à des coulées de métal, plus travaillées que celles observables au [mac] de Marseille. Entre mêlées d'objets, la matière se répand au sol. On comprend mieux la démarche de l'artiste. Il ne s'agit plus que de formes éparses et insolites. Le mouvement éphémère s'immortalise dans le temps. César capture son idée d'une coulée, dans toute sa beauté. Parfois de fer, parfois laquées, souvent à base de mousse de polyurétane. Ce médium particulier, capable de se déverser sur de grandes surfaces tout en gardant sa légèreté a su séduire l'artiste.
Quelques sculptures témoignent de sa période Enveloppage, sa période la moins connue. A la faveur d'un processus complexe, l'artiste travaille le plexiglas pour y piéger toute sorte d'objets du quotidien. Paire de chaussures et machine à écrire prennent soudainement des formes aussi insolites que poétiques.
Mais le gros de l'exposition, et ce qui fit la renomée de César dans le monde de l'art, ce fut bel et bien sa période Compressions. Des formes encastrées, compactées en tous genre. Murales ou à même le sol. Elles se déclinent en structures, tableaux... Portières, carrosseries, tuyaux... Peu de couleurs, surtout du sombre et du monochrome. L'assemblage de toutes ces structures m'a profondément enthousiasmée. Soudain du sens dans le travail de César !
Sa dernière série, la Suite Milanaise, toujours en compressions, utilise des carrosseries de Fiat compactées, repeintes dans les usines Fiat de Turin même, tout en couleurs aussi vives que flashy, selon la gamme colorique utilisée par la marque.
L E S A V I E Z - T U ? D'ailleurs, à bien s'y pencher, on se rend compte avec stupeur que cette folie de la compression donna lieu à un événement bien connu des français : la cérémonie annuelle des Césars, qui doit même son nom à l'artiste, l'homme ayant designé les petites statuettes dorées décernées aux meilleurs comédiens français : des compressions !
C O N C L U S I O N
Je pense avoir encore plus préférée cette exposition que la rétrospective Jeff Koons, qui m'avait pourtant énormément plue.
Plus contemplative qu'explicative, on en apprendra peu sur la vie de César au final. La scénographie ne s'articule non pas autour de sa personne mais s'ajuste à son travail, et je dois dire avoir trouvé cette approche assez réussie.
Bien qu'il me soit du coup difficile de me faire une idée de l'homme qu'il fut, ce qui est tout de même important, j'ai ressenti une grande bouffée de fierté de savoir qu'un talent de cette taille émergea de Marseille (non parce que bon, ça fait plaisir d'avoir d'autres ambassadeurs que Marcel Pagnol, Fernandel et Jean-Pierre Foucault).
César : un véritable artiste contemporain, capable de déclasser tous les Duchamp, Mondrian, Warhol...
Je retiens un travail magnifique, intelligent, ludique et susceptible de plaire et d'intriguer un large panel de visiteur. Je retiens cette fascination pour la matière, cette façon de se jouer des lois de la physique et cet amour de l'inachevé. Chapeau bas, Monsieur César !
Plus que jamais, je ne comprends pas son manque de portée dans l'art contemporain (surtout à Marseille, putain...)
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Centre Pompidou
Place Georges Pompidou, 75004 Paris
Du 13 décembre 2017 au 26 mars 2018
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