André Derain (1904-1914), la décennie radicale au Centre Pompidou

19 janv. 2018




Derain n'est pas un nom qui me faisait écho. Je regrettais surtout de ne pas avoir eu le temps d'aller voir les expos Gauguin, l'alchimiste et Irving Penn au Grand Palais, et me suis rabattue je l'avoue, sur l'expo qui lui était consacrée en raison du tarif jumelé avec l'expo César, la rétrospective. Persuadée de m'ennuyer sévère, rapport au fait que les avalanches de couleurs sur toile ont tendance à m'agresser la rétine, j'y suis allée en trainant les pieds. Et ô surprise ! Derain m'a complètement séduite.

Peintre à mi-chemin entre l'impressionnisme et le cubisme à la Cézanne, je n'ai pas tout de suite compris pourquoi cette expo s'affichait au Centre Pompidou. Je l'aurais plutôt vue entre les murs du Musée d'Orsay. 



L'explication viendra plus tard : Derain est un de ces touche à tout, "un de ces découvreurs qui ne savent pas tirer partie de leurs inventions" annonciateur du Fauvisme, inventeur du Cubisme, préfigurateur du Surréalisme. 

Sans Derain, pas de Cubisme. Il est le premier artiste à collectionner les objets d'art primitif, incitant Braque et Picasso à faire de même. On sent clairement cette influence dans son trait. 




Les tableaux de Derain, je ne les connaissais pas. Seuls deux d'entre eux m'ont fait plisser les yeux : je les avais déjà aperçus au Musée d'Orsay. 

Etrangement, l'usage de ces couleurs, pourtant très vives, m'ont séduite. J'ai particulièrement aimé ses scènes londoniennes peintes d'après la Tamise, mais aussi ses formes évasives, inachevées sur fond coloré.

A mi chemin entre Cézanne, Seurat, Matisse et le Douanier Rousseau, j'ai aimé sa gestion du contraste, ainsi que son usage et ses choix de gammes de couleur, véritablement capables de capter mon regard et mon admiration pourtant hermétiques à cette palette de saturation. 




L'exposition met en avant une seule décennie dans la production de l'artiste : ses jeunes années, de 25 à 35 ans, les plus détonnantes. La part belle est faite au fauvisme, essentiellement. 

Si je n'ai pas pris le temps de bien m'arrêter le long des cartels pour cause de copine qui m'attendait en bas dehors, j'ai adoré me plonger dans cet art irrégulier, aussi diverse que varié. Je n'ai pas manqué de relever plusieurs noms de tableaux, particulièrement équivoques à mes yeux.  





Peintre majeur et oublié, André Derain est pourtant l'un des premier à reconnaitre et à se servir de l'appareil photo comme support à son travail sur toile. Entrainant les artistes dans son sillage, il entreprend un séjour à Collioure, où la lumière de la Méditerranée bouleverse son travail. C'est là que nait le Fauvisme. 

Derain reste au seuil des courants qu'il préfigure. Il ne s'approprie pas ses "découvertes". Pas de décomposition de mouvement dans l'approche cubiste. Il laisse soin aux autres de pousser plus loin le travail. Très curieux, cultivé, il se remet constamment en question et passe très facilement à autre chose.   

Plus tard, l'artiste prend le contrepied de ses jeunes années, et revient vers une peinture plus sombre, plus classique, et moins vibrante. 


C O N C L U S I O N 


Très bonne surprise que l'expo André Derain, sur laquelle je n'aurais pas parié un centime ! L'artiste, absolument pas connu des standards, s'avère être un précurseur de taille des courants artistiques du début du 20ième.

André Derain, ce "Christophe Colomb de l'art moderne" selon Gertrude Stein, sera sur tous les fronts de l'avant garde, côtoiera les plus grands, mais ne marquera jamais vraiment le siècle de son empreinte pourtant décisive. J'ai bien aimé cet aspect feu follet brulant, esprit libre, soufflet qui retombe, pour ma part.
Si Derain n'était pas ressorti amer, sombre et brisé de la grande guerre, qui sait ce qu'il aurait continué à défricher dans le monde de l'art pictural ?

Des diverses influences jalonnant sa décennie de peintures, j'ai particulièrement aimé son magnifique travail sur la couleur, moi l'allergique au fauvisme. Au travers de sa production artistique on sent défiler toutes ces références, familières sans pour autant pouvoir les nommer. J'ai adoré me planter face à ses toiles, ausculter son travail les yeux plissés.

Clairement, Derain gagnerait à être bien plus (re)connu, et j'encourage tout le monde à aller voir l'expo qui lui est consacrée, c'est de la bonne !



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André Derain (1904-1914), la décennie radicale 
Centre Pompidou
Place Georges Pompidou, 75004 Paris
Du 4 octobre 2017 au 29 janvier 2018

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