Dora Maar au Centre Pompidou

27 août 2019





Dernière petite expo de derrière les fagots, aussi inattendue que surprenante, le centre Pompidou nous sort de son chapeau la rétrospective Dora Maar.

Pour une durée de moins de deux mois donc (mais WTF ?) le plus grand musée d'art contemporain de France met à l'honneur Dora Maar, une femme (ce qui est assez rare pour être souligné) artiste peu connue des standards.

De Dora Maar, un nom qui nous est familier, on ne sait pas grand chose, si ce n'est qu'elle fut la troisième femme de Picasso (comprendre : compagne, elle eut la présence d'esprit de ne jamais se marier avec l'enculé le génie). Or, j'ai eu la surprise de découvrir que Dora Maar était avant tout une artiste avec un vrai travail et une vraie carrière et même des images très connues.

Incroyable. Comment se fait-il qu'on ne sache pas accoler son nom à ses images ? En cause, une certaine invisibilisation des femmes ? Dora Maar était poète, peintre et photographe. A l'image du 20ème siècle, elle adhère à ses grands mouvements et côtoie les grands artistes et penseurs de son temps.



De son vrai nom Théodora Markovic, elle nait à Paris en 1907, d'un père architecte croate et de mère française. Elle passe son enfance en Argentine. De retour à Paris à l'âge de 18 ans, elle apprend la photographie. A 25 ans, elle ouvre un atelier de photographie et travaille en tant que photographe publicitaire. Le studio se spécialise dans la photo de mode et les portraits. Rapidement, elle y fait poser mannequins et grandes figures du tout Paris.

Parlant couramment espagnol, elle fréquente les milieux surréalistes et devient une de ses égéries,  modèle de Man Ray. Comme bon nombre d'entre eux, ses convictions politiques s'orientent vers le communisme et l'admiration de l'empire soviétique stalinien. Dans les années 30, encouragée par les surréalistes André Breton et Georges Bataille, elle participe aux actions de L’union des intellectuels contre le fascisme.

L E N T E    C H U T E   D E


Elle rencontre Picasso en 1936, aux Deux Magot, à Saint Germain des Prés. Il a 54 ans, elle en a 28. Il est dit que Picasso aurait été séduit par ses yeux larges et profonds. Leur relation tumultueuse dura 9 ans, entre influence et aliénation. Picasso trouve en elle un alter-ego intellectuel, au caractère bien trempé, éprise de liberté, à la notoriété déjà installée. Initiée à la peinture, Dora abandonne progressivement la photo, écrasée par le génie qui la veux toute entière dans la fusion créatrice, celle de son oeuvre à lui. Elle lui inspire sa décennie la plus forte et la plus brillante. Picasso la représente sur de nombreux tableaux, en pleine crise de larmes. Elle est la femme qui pleure. 

Après avoir quitté Picasso elle mène une vie solitaire en Provence et se réfugie dans la religion. Elle vit recluse et se consacre à la peinture. On lui attribue le fameux "Après Picasso, Dieu". Elle meurt en 1997.






Pour ma part, j'ai beaucoup aimé cette exposition. J'y ai découvert une artiste sensible et intelligente, au travail en mouvement constant, qui se cherche et se répond. J'ai beaucoup aimé son travail de photo montage auprès des surréalistes, ai pris plaisir à admirer ses tatonnements, mais surtout, je suis tombée en pamoison pour un de ses tableaux représentant ma région, la Provence.Dora Maar avait une maison à Ménerbes, que Picasso lui avait offert.

On trouve aussi dans le village très arty de Lacoste un espace Dora Maar que je n'ai pas encore eu l'occasion de visiter.



D U    C O U P 


J'ai donc été assez sidérée par la découverte de cette femme, rendue possible par cette exposition. J'ai trouvé Dora Maar extrêmement inspirante, et d'autant plus intéressante de par sa chute. Ailes brûlées, détruite par un homme croisé sur son chemin (j'avais déjà eu un aperçu de la muflerie de Picasso, mais je ne l'aurais pas cru à ce point), quel poids a pu peser si fort sur elle pour la conduire si bas durant l'autre moitié de sa vie, alors que la première avait été si haut ? 

J'ai également beaucoup aimé chercher à me documenter, me renseigner sur sa période d'égérie. Egérie des surréalistes, égérie de Picasso... Femme pleinement artiste, dans tous les sens du terme, j'ai adoré découvrir Dora Maar dans toutes ses facettes. A l'heure où j'écris ces lignes l'exposition, qui fut si courte, est sans doute déjà terminée (shame), mais elle en valait grandement le coup selon moi. 

J'ajoute le fait que cette exposition m'aura inspiré ma prochaine lecture : La femme qui pleure de Zoe Valdès. Je pressens que Dora Maar n'a pas finit de m'inspirer.


Rétrospective Dora Maar  
Centre Pompidou, Place Georges Pompidou 75004 Paris
Du 5 juin au 29 juillet 2019



E T    S I N O N 
- article du Beaux Arts Magazine : Picasso et Dora Maar, entre influence et aliénation : ici
- video Dora Maar : Parcours d'exposition,  du Centre Pompidou : ici
- Dora Maar, la femme invisible - Victoria Combalia
- Dora Maar, prisonnière du regard - Alicia Dujovne Ortiz
- La femme qui pleure - Zoé Valdès

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