Le prisonnier du ciel ◆ Carlos Ruiz Zafon, enfer des geôles sous la dictature de Franco

20 oct. 2017






Troisième tome de la trilogie du Cimetière des livres oubliés, il était évident que j'allais me le procurer le plus vite possible, au vu du plaisir de mes heures de lectures en compagnie de L'ombre du vent et de Le jeu de l'ange. Le prionnier du ciel n'est pourtant pas du même calibre que ses deux prédécesseurs.


Le pitch : Daniel Sempere, marié, un enfant, voit sa tranquillité mise à mal suite à l'arrivée d'un client dans la librairie Sempere et Fils. La venue de cet homme, bossu, boiteux, mutilé, sinistre, déterre les souvenirs des plus dures années franquistes. Pour Fermin Romero de Torres, c'est l'avenir qui est compromis lorsque son passé refait surface. Sa détention, la cruauté de son geôlier, son amitié avec un certain David Martin, la promesse à l'origine de leur rencontre...  Il se pourrait bien que le secret de Fermin bouleverse à jamais l'ordre des choses dans la vie de Daniel Sempere.  


Les thèmes :
la cruauté  l'injustice  Franco  Barcelone  le souvenir 
la promesse  le bonheur conjugal  la famille  l'amitié





Le prisonnier du ciel est un livre court. Enfin court, 340 pages. Soit 200 pages de moins que ces prédécesseurs. Ça compte. Du coup le rythme n'est pas le même. L'épaisseur de l'intrigue non plus.

Si le fabuleux style d'écriture de Carlos Ruiz Zafon fait toujours rage, Le prisonnier du ciel est mon tome le moins aimé de toute la trilogie.

Le prisonnier du ciel est un roman moins ambitieux que ses prédécesseurs. On y retrouve les personnages des deux tomes précédents, Daniel Sempere et David Martin, tandis que l'intrigue qui se focalise autour de Fermin Romero de Torres. 

Si comme moi tu avais bien aimé ce personnage phare de L'ombre du vent mais l'avais parfois trouvé agaçant, sois tranquille. Dans les pages de Le prisonnier du ciel, Fermin est un personnage plus en nuances, plus perdu, moins grandiloquent.

Cette fois-ci, on oscille entre deux points de vue narratifs.
Celui de Daniel, à la première personne. Puis celui d'un narrateur du point de vue interne des événements de la prison de Montjuïc. Les deux points de vue s'entrecroisent au fil de l'histoire.

C'est l'hiver et Barcelone, qui vit la plus sombre part de son histoire avec la dictature franquiste toujours en place et le spectre de la guerre civile, parait plus terne et plus morne que jamais.

Le prisonnier du ciel se lit dans la continuité de L'ombre du vent et de Le jeu de l'ange. Quiconque te dira le contraire aura tort. Ce roman ne présente aucun intérêt pour le lecteur s'il n'a pas lu les tomes précédents, à mon sens en tous cas.

Le prisonnier du ciel a un gout de bonus. Un bonus pour les lecteurs conquis du cycle du Cimetiere des livres oubliés. Il m'a aussi fait l'effet d'un livre de transition qui monte les base pour lancer l'assaut du prochain tome, Le labyrinthe des esprits.

Si les pages emportent le lecteur et fondent entre ses mains, on ne sent pas la même fièvre qui déferlait sur ma nos têtes avec les deux tomes précédents.

Le point fort du récit, c'est clairement le temps passé entre les murs de la prison et l'incroyable plan d'évasion. Suspens garanti dans les flash back de 1939.

Le schéma du roman reste le même. Toujours un grand méchant menaçant à la main large, un héros pur comme la neige, tout aussi héroïque mais embarqué dans une sale affaire contre son gré, et toujours l'envoutante présence des lettres, de romans.

J'ai aimé les références littéraires sur lesquelles s'appuient certaines situations. Le conte de Montecristo, Notre dame de Paris... Toujours cet hommage à la France, au travers des livres de Zafon. Lorsque Paris n'est pas terre de promesse et d'exil, c'est la culture française qui est citée en exemple du raffinement à suivre.

J'ai aimé la reprise des personnages mythiques de L'ombre du vent.
Retrouver Daniel, Fermin, Monsieur Sempere, Bea, la Rocito, qu'on découvre jeune et sympathique.
David Martin, qui m'avait paru terne et pas particulièrement intéressant dans Le jeu de l'ange, dévoile une partie de sa personne de plus en plus fascinante. Evidemment personne n'arrive à détrôner Isabella, ma chouchoute de toute la trilogie.

Les nouveaux personnages sont aussi intéressants. Sebastien Salgado le fourbe voleur increvable, Oswaldo l'écrivain public et sa harangue, les gitans du Somorosso, Bebo le gardien de prison généreux et l'horrible Mauricio Valls, à côté duquel Andreas Corelli parait un enfant de coeur.

Certaines situations sont irrésistibles (Monsieur Sempere soul !), les dialogues toujours aussi riches et percutants. A mesure que le mensonge se lèvre et qu'on sent irrémédiablement la vérité pointer le bout de ses formes, le cataclysme est à prévoir.

J'ai aimé la construction de la haine de David. Cette ombre qui voile le tableau de sa femme et de son enfant. Ce poison qui s'inflitre dans son coeur, jour après jour. Son absurde promesse.

Il me démangeait de connaitre la suite, qui promet d'être puissante. 
Et comme Le labyrinthe des esprits, sorti l'an dernier en Espagne n'a toujours pas été traduit en Français, il faut encore prendre patience.

De mon côté je me tâte à le commencer en Espagnol, une langue que je suis loin de maitriser mais qui ne m'est pas non plus étrangère. Affaire à suivre.






Carlos Ruiz Zafon, petit barcelonais cinquantenaire, issu d'un père assureur et d'une mère femme au foyer, grandit dans l'amour des récits, qu'il se fait dans sa tête dès l'enfance. A l'adolescence, il monte un fanzine avec des copains, finalement censuré par le directeur, jugé trop sanglant. 
Cet amour du fantastique et du gothique, le suivra toute sa vie. A 14 ans, il écrit un roman de 600 pages, ses premiers essais sérieux d'écriture. Son bac en poche, Zafon se dirige vers la publicité, où il excelle de nombreuses années et connait l'aisance financière. Mais il sent bien que la pub n'est pas vraiment son truc. Il s'essaye à la littérature jeunesse et s'arrête rapidement. Son truc à lui, c'est le roman, clairement. 

Sa marque de fabrique ? Cette veine gothique et mystérieuse, qu'on retrouve facilement dans ses romans. 

C'est bel et bien L'ombre du vent et son cycle Le cimetière des livres oubliés qui le propulsent au sommet avec plus de 14 millions de livres vendus en Espagne et dans le monde. L'engouement est sans précédent. Récompensé par de nombreux prix, traduit dans une multitude de langues, Zafon aime à raconter à quel point son premier éditeur n'avait pas parié un sous sur sa pépite, jugée trop peu commerciale. 

Désormais auteur à succès, Zafon et sa femme s'installent à Los Angeles, où il s'introduit également scénariste, en parallèle de la rédaction de ses romans. Il partage désormais sa vie entre Barcelone et Beverly Hills. Carlos  Ruiz Zafon est aujourd'hui l'auteur espagnol (encore vivant) le plus lu au monde. 



Si les mots glissent comme sur de la soie et nous plongent dans un bon moment en compagnie des pages de Le prisonnier du ciel, j'ai trouvé le roman inférieur aux précédents, plus en terme de contenu que de qualité. On navigue un peu plus profondément dans cette Barcelone torturée par les années franquistes et la dureté de ses injustices.

Le centrage clair et direct sur les personnages chouchou des deux tomes précédents font de Le prisonnier du ciel le seul roman non indépendant de la trilogie. On ne peut pas vraiment, à mon sens en tous cas, le lire sans avoir au préalable été introduit aux événements de L'ombre du vent et de Le jeu de l'ange. Le prisonnier du ciel est un tome de transition, en somme. Il met le feu aux poudres en lançant un nouveau dynamisme, celui de la vengeance qui est parti pour sévir dans le prochain tome. Moi et je crois bien tous les autres lecteurs, on a foutrement hâte de se procurer Le labyrinthe des esprits.



Enregistrer un commentaire