Les 10 amours de Nishino ◆ Hiromi Kawakami

22 oct. 2017



Grande adoratrice de l'Asie, et tout particulièrement amoureuse de la Chine et du Japon, il m'arrive rarement de lire un roman Made in Asia, sans réellement savoir pourquoi. Les consonances japonaises du nom de l'auteur sont pourtant souvent gage de qualité pour moi. Une logique japonaise, c'est toujours un peu la promesse de quelque chose de doux, de loufoque et de profond.


Tombé dessus via le blog d'Irregulière, qui en faisait l'éloge, j'ai tout de suite eu envie de lire Les 10 amours de Nishino, pour la poésie de son titre et l'originalité de sa forme. Bonne pioche, je n'ai vraiment pas été déçue du voyage !




Le pitch : Nishino, c'est le courreur. Beau garçon, c'est surtout son charme, son attitude, qui ne laissent pas les femmes indifférentes. Nishino séduit à tour de bras. De l'adolescence à la mort, il passe d'un amour à l'autre, insaisissable. Mystérieux, nonchalant, et pourtant terriblement touchant, qui est vraiment Nishino, l'homme qui laissa tant de marques dans la vie de ces dix femmes, qui chacune à sa façon a su l'aimer sans le posséder ?


Les thèmes : 
l'amour ◆ la nostalgie ◆ le Japon ◆ l'infidélité ◆ l'attachement ◆ le souvenir 





J'ai adoré Les 10 amours de Nishino. 

Pour l'originalité de sa forme. Le roman se présente sous forme de nouvelles, au nombre de dix. Ce sont dix récits écrits à la première personne. Dix voix différentes de femmes, de tous âges, qui ont croisé la route de Nishino, à un moment ou à un autre.
Touche de subtilité supplémentaire, certaines nouvelles se répondent entre elles. On croise les mêmes personnages à plusieurs reprises dans différents chapitres, pour se rendre compte avec surprise que même peu mentionnés, on ne les avait pas oubliés.  
Touche de subtilité supplémentaire bis, les nouvelles ne suivent pas l'ordre chronologique. Nishino est cinquantenaire dans un chapitre et élève de l'école primaire dans le suivant. 

Il s'agirait presque d'une enquête ou d'un puzzle à restituer, qui donne envie de lire le prochain chapitre avec empressement.

Pour sa fraicheur et sa poésie. Le style d'écriture, simple, se pare de sa petite musique à lui. Les moments sont poétiques, bien choisis, savamment racontés, plein de beauté, de nostalgie. Ils nous paraissent réels. Rei, ç'aurait pu être moi, toi, elle. Nozomi aussi. Et même Sayuri, nous, plus tard.

Pour son côté très japonisant. On retrouve les codes de la narration à la japonaise, faite de beaucoup de contemplation, de questions posées de but en blanc, de vénération de l'objet, d'étranges parallèles et métaphores, de questions métaphysiques et d'extrême complexité dans la relation à l'autre.

Pour la beauté de ses personnages. A leurs façons, elles ont toute aimé Nishino. Passionnément, terriblement, dans la retenue, dans le déni. A leurs manières, Rei, Kanoko, Manami, Ai, se racontent, au contact de cet homme, dressant un portrait du jour où Shiori accepta de grandir, de la solitude d'Eriko, du coeur fermé de Ai, de la minute où Rei céda à l'amour, etc...

Nishino a quelque chose de froid, de glacé à l'intérieur, qui dresse inlassablement un mur entre les gens et lui, ce qui ne l'empêche pas de mander leur présence avec fièvre.
Tour à tour attendrissant, agaçant, Nishino n'est pas s'en rappeler le tombeur auquel la plupart des femmes ont eu à faire un jour. Pour moi un parallèle évident était à faire avec le bruit familier d'un certain fantôme.

Ce qui m'a surpris dans ce roman, en fin de compte, c'est aussi son côté très occidental. Loin et proche à la fois de notre culture, l'amour y revêt un sens plus neuf, moins traditionaliste que ce qu'on nous a laissé croire. En définitive avec Les dix amours de Nishino, on est loin des clichés du japonais prude angoissé par l'autre sexe, systématiquement portraituré dans Enquête exclusive.






Hiromi Kawakami, l'âge de ma mère, nait à Tokyo. Rien ne la prédestinait à l'écriture, et c'est pourtant à 36 ans que son premier roman reçoit un prix au Japon, puis quelque années plus tard, un prix en France. Son oeuvre, jalonnée d'autre prix en France et à l'étranger, s'axe autour de son plus gros succès, Les années douces.

Depuis ses débuts en 1994, elle est l'un des écrivains les plus populaires du Japon, et l'un des rares traduits et reconnus en Occident. En cause ? La tonalité très particulière de son style, à la fois simple et subtil dont les thèmes privilégiés sont le charme de la métamorphose, l’amour et la sexualité.



J'ai adoré cette petite lecture de 250 pages, pliée en un peu plus de deux heures. Plein de poésie, de beauté, dans un style d'écriture fluide, on retrouve, sous les traits d'une version japonisante la dissection d'un amour, de dix amours, très différents, intelligemment racontés et extrêmement bien rythmés pour l'insissable Nishino.
C'était beau, c'était frais, c'était universel. Coup de coeur personnel.
Je vais pour ma part m'atteler à la lecture de tous les romans d'Hiromi Kawakami.

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