Botero, dialogue avec Picasso au château Caumont

Parmi les expos à ne pas rater dans la région, il y a toujours celles du Caumont-Centre d'Art, à Aix-en-Provence. Scénographiées dans un ancien hôtel particulier du 18ème, signées Culture Espace (le Musée jaquemart-André à Paris, les Carrières de lumière des Beaux de Provence) c'est toujours l'assurance de passer un bon moment entre les murs récemment rénovés du magnifique Château Caumont, scrutant les toiles de grands artistes, le long d'une cadence de deux accrochages par an.

L'expo de la saison d'Hiver mettait sous les projecteurs le travail de Botero, en l'attaquant sous l'angle inédit de ses affinités artistiques avec Picasso. Références culturelles et géographiques, regard subjectif sur la réalité, déformation de la réalité... Autant de points communs qui unissent les deux artistes.

Botero, artiste colombien né dans les années 30, toujours en vie et en activité, s'est illustré aux yeux du grand public par ses peintures de grosses madones, au trait courbe et aux formes rondes. Grand admirateur de Picasso, Botero n'a cessé d'étudier le travail de l'artiste, qu'il aura raté de peu et n'aura jamais rencontré de son vivant.

On retrouve dans le travail de Botero l'influence du génie transfigurateur du 20ème siècle : la déformation de la réalité. Comme Picasso, Botero accentue les formes au mépris du réel, faisant sienne cette aptitude à déformer en dilatant les corps.

Le style Botero, qu'il obtient assez tôt, est une résultante d'un accident visuel : en dessinant une mandoline aux formes courbes et charnues comme il les affectionne, c'est la taille de l'orifice de l'instrument, qu'il esquisse exagérément réduite, qui bouleverse la physionomie de l'objet et donne naissance à son trait caractéristique.

La scénographie de l'expo se veut comparative. Dans chaque salle, des toiles de Botero dialoguent avec celles de Picasso. Le découpage s'articule autour de 8 thématiques communes aux deux artistes :

Le portrait et l’autoportrait / Les appropriations de l’histoire de l’art / La nature morte / Le nu / L’artiste face aux grands événements historiques et politiques / La corrida / Le monde du cirque / La musique et la danse.

Pour ma part, j'ai beaucoup aimé cette exposition. Pas spécialement fan de Botero ni de Picasso, j'ai pris plaisir à découvrir des pans du travail des deux artistes que je ne connaissais pas du tout.

Le massacre en Corée de Picasso, par exemple, qui n'a pas grand chose à envier à Guernica. Quelques essais de portraits, aux couleurs harmonieuses. Mais j'ai surtout été éblouie et suis restée un bon moment devant L'acrobate, mon tableau préféré de Picasso.

Je me suis beaucoup amusée avec les appropriations de l'histoire de l'art de Botero. Rubens, Cranach, Ingres, Della Francesca et Vélasquez se voient parodier leurs plus célèbres tableaux. Supprimant la grâce et  le clacissisme du trait, l'artiste y appose ses déformations caractéristiques pour un effet des plus étonnants.

Un écran tactile propose au visiteur de comparer les tableaux de maitres aux côtés de ceux de Botero pour mieux prendre la mesure de l'interprétation de l'artiste.

Les formes voluptueuses de ses femmes, malgré leur côté boudiné, ne sont pas sans manque de charme. Son travail, teinté d'humour (volontaire ? involontaire ?), prête à sourire. Sans qu'on ne puisse trop s'expliquer pourquoi, on sent aussi clairement le côté Amérique latine dans certains de ses tableaux.

Pas fan de ses gammes de couleurs, parfois trop pastels ou trop primaires, ses sujets ainsi que son style, son sens de la composition et sa facétie m'ont profondément charmée dans ses toiles.

Mais ce que j'ai préféré, ce sont les esquisses de Botero. Ses crayonnés, au bistre, des portraits, des natures mortes charbonnées. J'ai aimé la délicatesse et la précision du trait qu'on ne ressent pas dans sa peinture à mes yeux.

Le traité de ses personnages, avec sa patte bien à lui, m'a complètement séduite. En fin de compte, j'ai trouvé son travail très illustratif.

C O N C L U S I O N 

Une super expo qui ravira les néophytes comme les plus experts, et divertira les profanes de l'art trainés par leurs proches au Caumont Centre d'art par un après-midi pluvieux. Avec des emprunts de grands musées, Caumont-Centre d'art ne s'est pas foutu de la gueule du visiteur : tableaux connus et renommés jalonnent ce parcours joliment scénographié d'un dialogue entre Botero et Picasso.

Bref, une grande expo à ne pas manquer. Cerise sur le gâteau : la magnifique boutique du musée et le sublime salon de thé où il est impossible de résister à l'appel d'une pause chocolat chaud / pâtisserie servie dans un cadre d'exception.

Botero, dialogue avec Picasso
Hôtel de Caumont, 3 Rue Joseph Cabassol, 13100 Aix-en-Provence
Du 24 novembre 2017 au 11 mars 2018