Nérina ◆ Amandine Mollo : liberté, vengeance & insoumission

20 mai 2020



Etrange sensation que celle de tenir entre ses doigts le roman d'une amie, dans sa version finale et publiée. Car Nérina est un de ces livres, (le seul jusqu'à présent) dont j'ai suivi l'histoire de la conception, depuis son premier (non, plutôt second) jet, jusqu'à son aventure éditoriale. Et quel joli destin, que celui de gagner un prix, de porter le borderau "coup de coeur de Gilles Legardinier" sur sa couverture.

J'ai beaucoup aimé retrouver les traces de ma petite contribution en tant que bêta-lectrice dans le roman. Mais au-delà de ma petite perspective personnelle, je dirai que Nérina est un court récit fiévreux terriblement bien écrit sur lequel souffle un vent frais de liberté, d'insoumission et de féminité dévorante.



résumé 


Le pitch : Normandie, 1839. Nérina, jeune fille impétueuse, étouffe dans une société corsetée de conventions qui ne lui offre que le mariage comme seul horizon. Bien décidée à ne pas se laisser dicter son destin, Nérina poursuit le but auquel elle s'est jurée d'être fidèle : être femme et rester libre, quitte à passer par les cases du scandale, de la douleur et de la vengeance. 


les thèmes :


la féminité ◆ la liberté ◆ l'amour ◆ la violence ◆ le 19ème siècle ◆  la vengeance 
 le chagrin ◆ la détermination ◆ l'insoumission ◆ la dominance patriarcale 




avis perso




Exercice difficile pour moi que de chroniquer ce roman. Parce que l'auteur, Amandine Mollo, je la connais très bien. On a fait nos études ensemble, échangé de longues heures sur le sens de l'écriture, la passion de l'art, et souvent l'on se rejoint, entre Hyères et Marseille pour prendre un café, aller à la plage, dans les bois ou dans les musées, passer une journée ensemble.

On a toujours parlé de sujets très intimes avec Amandine. De ce qui nous inspirait, de ce qui nous faisait horreur, de notre manière de gérer la vie, les obstacles. Et au fil de nos discussions, il y a toujours ces trois sujets qui reviennent inlassablement sur le tapis : la liberté, le féminisme. l'écriture.

Amandine m'a précédée dans l'aventure littéraire. Capable de mener un projet d'écriture d'une traite là où je tâtonne encore à la recherche de ma méthode, ses thèmes de prédilection et ses envies se fondent essentiellement autour du féminisme, de la liberté, de la sensualité féminine, marqués d'une obsession pour le 19ème siècle. Que de goûts nous avons donc en commun...

Pas étonnant que Nérina soit un concentré pur de tous ces aspects. Roman d'initiation, il peint le tableau de ces femmes, empêchées, contenues, corsetées dans l'étouffant modèle sociétal du 19ème. Au travers de l'histoire de Nérina, c'est toute l'histoire de ces jeunes femmes qui est contée, à ceci près que l'héroïne du roman est une brulante insoumise. Ce que je retiens surtout, chez Nérina, c'est cette fureur, cette fièvre, ce bouillonnement d'émotions palpable à chaque coins de page.

Chaque ligne pour moi était une référence à ce que je sais de mon amie. Et dans la voix de Nérina, c'est bien entendu la voix d'Amandine qui s'exprime, aux sonorités du beau siècle. Car Nérina est Amandine, une certaine part d'elle-même, du moins.

Dans la verve de Nerina, j'ai reconnu l'audace de mon amie, qui derrière ses airs d'introvertie, n'a jamais hésité à faire ce qu'elle avait envie comme elle en avait envie sous l'oeil ébahi des étudiants lorsqu'elle coiffait au poteau les professeurs sans crier gare. Une dualité qu'on retrouve chez Nerina. La mise parfaite, des traits angéliques, sous lesquels couvent la fureur du démon.

Nerina est une femme en colère. Son statu de femme oppressée par cette société qui corsète le genre féminin lui est insupportable. Et chaque injustice, chaque obstacle qui s'est dressé sur son chemin la met en rage. Nérina n'a rien d'une jeune fille rangée. Elle est ardente, impétueuse et porte au creux de son ventre un puissant voeu de vengeance, contre tous ceux qui l'ont tarit, sa liberté.

Son grand malheur, c'est Maria, sa meilleure amie, décédée trop jeune dans de troubles circonstances qu'elle impute à l'amour et au traitement des femmes, précipitées dans la tourmente lorsqu'elles font l'erreur de se compromettre. Comprendre par là : faire ce qu'elles ont envie.

Je sais qu'Amandine s'est beaucoup documentée pour son roman. Elle ne me l'aurait pas dit, je l'aurais tout de même deviné. Vocabulaire, comportement et références d'époque se succèdent dans un bal très réussi.

Ce qui frappe évidemment, c'est le style de l'auteur. La plume d'Amandine est fluide, très poétique et mélodieuse. Très visuelle, (hello formation en école d'art) elle aime à glisser, empreinte de sensualité, sur la papier et nous emporte en un rien de temps sous les falaises de Normandie, dans cet univers de robes rouges qui virevoltent et de vagues marines qui s'écrasent sur les côtes. J'ai trouvé le choix de la narration très intéressant. Une première personne du singulier, mais il ne s'agit pas de la voix du personnage principal. C'est en effet Maria, l'amie, la morte, qui depuis les cimes de son monde entre ciel et terre, nous raconte cette histoire.

Pour ma part, ce que j'ai beaucoup aimé, c'est aussi l'aspect "dérangeant" du roman. Car l'auteur flirte avec les limites. Amour, amitié, fraternité se confondent, bien loin des standards de notre société qui aime à ranger les sentiments dans des cases. Ici l'amour côtoie la haine, se baigne dans l'amertume, ne recule pas face au malsain, repousse les limites comme pour mieux les chercher, les explorer.

J'ai refermé les pages de Nérina en me disant qu'Amandine avait fait fort pour un premier roman. Si tu me lis ma belle, sâche que je trouve vraiment que tu as trouvé ta voix, ta patte, ton style et que j'ai hâte de lire tes mots dans tes prochains écrits !



conclusion


Amandine signe ici un court roman de moins de 200 pages, qui se dévore avec passion. Sa plume pleine de poésie, son propos fiévreux, ses personnages romantiques propulsent le lecteur le long d'une expérience de lecture délectable. Gilles Legardinier a vu juste : dans Nérina, l'auteur a mis toutes ses tripes.

A l'heure où j'écris ces lignes, j'ai commencé ma bêta-lecture du second manuscrit d'Amandine. Et je peux rassurer les fans de l'auteur : il y aura dans son prochain roman de quoi séduire ceux qui ont adoré Nérina !