Mes vies secrètes ◆ Dominique Bona : autobiographie discrète d'une biographe chevronnée

19 juin 2020


Mes vies secretes - Dominique Bona : autobiographie discrète d'une biographe chevronnée


Un nouveau livre de Dominique Bona, c'est toujours un événement, à mes yeux. Je les guette depuis des années, maintenant. A l'origine de ma rencontre avec cette écrivaine, ma mère, qui l'avait découverte avant moi et me la recommandait chaleureusement. Ce qu'il y a de bien avec ma mère, c'est qu'elle a souvent ce bon goût, ce flair dont elle n'a elle-même même pas conscience. Ses conseils ont souvent été des coups de coeur pour moi, parfois même des chocs foudroyants. Ce fut le cas avec les biographies de Dominique Bona, qu'on a désormais pour rituel de s'offrir l'une à l'autre à Noël.


J'irais même jusqu'à dire que j'ai trouvé une sorte d'écho à moi-même dans le travail de Dominique Bona. L'auteur s'applique à déchiffrer les vies, comprendre ce qui anime un grand artiste, faire le portrait sensible de sa personne, murmurer au vent la beauté de son destin, donner chair sans jamais se fourvoyer. Dominique Bona est réputée pour son travail d'orfèvre, tous les éléments de ses biographies n'ont jamais un seul pourcent de part de fictif et elle va même jusqu'à pousser le vice à ne jamais faire parler un personnage tant qu'elle n'a pas trouvé quelque part dans les archives ces mots-là, qu'elle retranscrit, s'interdisant de prêter une voix fictionnelle à un être ayant vécu.

Comme de nombreux lecteurs, j'adore les biographies de Dominique Bona. Parce qu'elles sont sensibles et intelligentes, qu'en racontant l'histoire d'une personnalité, elle brosse aussi le tableau d'une époque, d'un contexte historique ou artistique. On les aime, ses biographies, parce qu'on sait qu'elles vont nous emporter. Terriblement romanesques, et pourtant authentiques, on sait qu'on peut faire confiance à l'auteur pour ne pas nous abuser, jamais.

Aussi, savoir que l'auteur de ces biographies décidait, au regard de son travail de toute une vie, d'apparaitre elle-même, en chair et en os, dans un roman tirant de l'autobiographie, ça m'a donné tout de suite envie. Je m'attendais à en apprendre plus sur Dominique Bona. Qu'elle se livre, elle si discrète et en retrait, sur ce qui l'anime et la pousse et se plonger dans la vie des autres.
Spoiler : ce ne fut pas tellement le cas.


résumé

Présentation éditeur : Dans un récit intime en forme de confession, Dominique Bona retrace sa vie d’écrivain, à la fois romancière et biographe. Elle dévoile ses émotions, ses sentiments et les rencontres qui ont construit sa propre identité.
Romain Gary, Berthe Morisot, Gala Dalí, Stefan Zweig, Camille Claudel, Colette : elle raconte la part cachée de ses livres, les enquêtes pleines de risques et d’embûches, les coups de foudre, les hasards et les désillusions qui ont fait de chacun d’eux une histoire personnelle.
Si elle convoque avec tendresse et humour les personnages de sa famille imaginaire, c’est elle que l’on découvre, sous le masque que tout écrivain s’impose, dans cette autobiographie d’une biographe passionnée.


les thèmes :
 la passion ◆ l'écriture ◆ l'art de la biographie ◆ les trajectoires de vie 
 exister ◆ l'académie française -◆ les grands artistes  




avis perso


Si comme moi vous aviez envie d'en savoir un peu plus sur Dominique Bona, la voix derrière ces biographies, vous serez déçus. L'auteur ne lève pas facilement le voile sur son intimité et ne se livre que peu, dans Mes vies secrètes. En ça, on ne peut donc pas apposer le titre d'autobiographie sur ce roman, bien qu'il s'en rapproche.

Avec Mes vies secrètes, Dominique Bona nous propose autre chose. Une porte d'accès plus subtile et plus fine à ses états d'âme, au travers de ses recherches sur la vie des autres. Une autre façon de nous parler de son intimité. Elle nous parle de son amour pour ces personnages, Romain Gary, Berthe Morisot, Clara Malraux, de ce qui l'a fascinée chez eux. Des personnages rebelles, libres et passionnés, qui la fascinent, qu'elle s'applique à comprendre, à disséquer, honorant leur vie et leurs oeuvres. A bien y réfléchir, c'est principalement ce qu'elle s'applique à faire. Relier la vie et l'oeuvre de ces grands artistes.

Elle nous raconte aussi qu'elle, jeune fille de bonne famille, corsetée le long du moule bourgeois, apprend à s'affranchir d'une vie qu'elle n'a pas vraiment choisi au travers de celles des autres.
Elle nous parle aussi de son parcours jusqu'à l'Académie Française, elle, femme dans un milieu d'hommes, parfois guindé et plus âpre qu'un rouleau compresseur, face à elle qui ne disposait en terme d'armes que de "sa sincérité et de sa passion".

Mais plus que tout, elle nous parle du métier de biographe, loin des lettres de noblesse de la profession, qui lui préfère hautement les romans. Du travail de reconstitution, de ses travaux de recherche, du lien qu'elle tisse avec les descendants des artistes sur lesquels elle écrit, du cadre de vie de leurs maisons, qu'elle arrive presque toujours à visiter, fut-elles situées au bout du monde.

En fin de compte, on peut dire que ce qui lie tous ces destins entre eux, c'est une certaine ressemblance qui se devine pour qui sait prêter l'oreille : tous ses choix d'artistes ont en commun des traits de caractères passionnés, incandescents, érotiques, libres, rebelles et indisciplinés, la plupart du temps en marge de leur milieu social ou de leur genre. Tous ont tapé du poing sur la table pour se faire valoir, ont fait fi de l'opinion des autres, se sont affranchis de la route toute tracée qu'on avait construit pour eux. J'ai trouvé que ces choix en disaient long sur la personnalité de l'auteur. Et on devine au creux des pages et de ses mots cette envie de leur ressembler, ce goût d'être un peu comme eux. Ces traits de caractère, qu'elle partage avec ces grands artistes.


Ce que j'ai le plus aimé retrouver dans ce roman ? Ce parfum de supplément d'âme, à chaque page. L'auteur s'accroche à des détails, perçoit les choses d'une manière fine, ardente, intelligente et qui fait battre le coeur.

J'ai adoré mes heures passées entre les mots de Dominique Bona, comme à chaque fois. J'ai trouvé beaucoup d'écho évidemment dans les passages consacrés aux biographies que j'ai lu d'elle, à savoir ceux sur Stefan Zweig, l'écorché, Clara Malraux, la déchue, Gala la mystérieuse, mais surtout les passages sur Berthe Morisot, la retenue, que j'ai avalés comme un ogre. Je raffole de son analyse de ces caractères, sensible et intelligente, profonde et clairvoyante. Ceux que je ne connaissais pas, du type André Maurois, m'ont fortement donné envie de m'y plonger et j'ai désormais très envie d'aller à la rencontre de l'oeuvre de Paul Valéry.





l'auteur



Dominique Bona, née à Perpignan en 1953, est la fille d'Arthur Conte, écrivain et journaliste.

La jeune femme met ses pas dans les siens, après une agrégation de lettre moderne à la Sorbonne et s'enrôle dans le journalisme. Quotidien de Paris, France Culture, France Inter, Le Figaro. Son premier roman, écrit à 28 ans, est le premier d'une liste qui ne cessera jamais de se tarir. A partir de ses 45 ans, les prix s'enchainent en cascade. Renaudot, Méditerranée, Interallié, bourse Goncourt...

Parallèlement à ses activités de critique littéraire pour le Figaro et Version Fémina, elle ne cesse d'écrire, alternant romans et romans biographiques où la condition féminine tiendra toujours une place centrale, mains dans la main avec Grasset, son éditeur.

Dominque Bona s'est fait remarquer pour sa maîtrise des biographies, écrites à la façon d'un roman. Romain Gary, Stefan Zweig, Gala Dali, Paul Valéry, André Maurois, Berthe Morisot, les soeurs Rouart et Hérédia, Camille et Paul Claudel...

C'est en 2014 qu'elle est accueillie à l'accadémie française, rejoignant le rang des immortels où elle y figure en tant que 8ème femme depuis la création de l'ordre.


conclusion


Peut-être ce roman n'aura-t-il que peu de saveur pour ceux qui ne connaissent pas Dominique Bona. En fait-il une bonne introduction à son oeuvre ? Difficile à dire. Mais pour les adorateurs comme moi de sa plume, de sa démarche et de sa personne, Mes vies secrètes est le chainon manquant qui les lie tous et l'indispensable roman qui nous peint en creux le portrait de la vraie Dominique Bona, incroyable, discret et surprenant auteur de l'académie française.


- Romain Gary 1987
- Les yeux noirs, ou les vies extraordinaires des soeurs Hérédia 1989
- Gala, la muse redoutable 1994
- Stephen Zweig, l'ami blessé 1996
- Berthe Morisot, le secret de la femme en noir 2000
- Il n'y a qu'un amour : André Maurois 2003
- Camille et Paul : la passion Claudel 2006
- Clara Malraux : nous avons été deux 2010
- Deux sœurs, muses de l'impressionnisme 2012
- Je suis fou de toi : Paul Valéry 2014
- Colette et les siennes 2017


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