Tour d'horizon de mon année 2020

16 févr. 2021


Dans le genre année surprenante, je crois qu'on aurait difficilement pu taper plus fort. En tous points, l'année 2020 fut une année déstabilisante. Entre coup de théâtre de l'actualité, catastrophes annoncées, spectre de la peur et étirement du temps, l'impression de me réveiller dans une mauvaise dystopie ne m'a pas quittée depuis ce début de crise sanitaire. Mais qui aurait cru putain, qu'un jour sortir de chez soi ne pourrait se faire qu'en portant un masque, et que j'en serais contente, parce que ça signifierait que j'aurais la possibilité de m'éloigner des 1km autour de mon appart ? Qui aurait cru que je ne verrais pas ma grand mère si longtemps, ne mettrais plus les pieds au cinema, ne pourrais plus voyager, devrais me passer de pousser la porte d'un musée, ne passerais pas Noël en famille, ne pourrais plus m'attabler en terrasse de café, verrais si peu mes amis, réfléchirais à toutes les conséquences possibles avant d'entreprendre la moindre action ?


Qui aurait cru qu'en une année on connaitrait deux confinements, trois couvre-feus, des mots qui nous semblaient si abstraits il n'y a pas si longtemps... 2020, année du covid-19, année de la crise sanitaire, cette crise sanitaire si forte, qu'elle n'a pas vraiment pu laisser la place à autre chose.

On nous a dit qu'on était des ouins ouins, nous, cette troisième génération n'ayant connu que la paix. Qu'on nous demandait juste de rester sur nos canapés avec internet, alors que nos aïeux partaient mourir à la guerre, allaient se réfugier dans les abris anti-bombes, se faisaient dénoncer à la guestapo, vivaient dans une peur constante.

Mais vivre au temps du covid-19, n'a rien d'une sinécure, merci d'un peu plus le souligner. Bien sûr qu'on a pensé aux gens qui ont connu la guerre, la peur au ventre sur de longues années, et bien-sûr qu'on est bien mieux lotis qu'eux, mais dix mois d'oscillations le long d'une courbe d'un virus sanitaire plein de rebondissements, c'est usant. C'est démoralisant, c'est éprouvant, c'est mortifère.

2020, une année difficile qu'on aurait préféré oublier. 2020, une année qu'on a pas vue passer et qu'on a pourtant bien senti passer. 2020, une année à polémiquer sur tout et n'importe quoi, à en regretter l'usage généralisé de la liberté d'expression. 2020, l'année mordante de la solitude, et pourtant l'envie de leur faire fermer leur gueule à tous.

2020, une année à tous se disputer entre nous pour nos différentes façon de gérer émotionnellement, moralement et physiquement les conséquences d'une pandémie globale. 2020, une année à ne plus se comprendre les uns les autres, ne plus comprendre l'ordre du monde, ne plus se comprendre soi-même. 2020, une année passée autant à se décevoir qu'à se soutenir. 2020, une année pour moi sans séquelles sociales et j'en suis contente : une preuve de mes bons choix et de la solidité de mon cercle social.



En 2020, certains ont vécu le plus beau des voyages, celui à l'intérieur de soi, celui à sa propre rencontre. Mais putain, ces chemins qu'ont semblé découvrir tous ces gens, moi je les connaissais déjà. Je les arpente depuis des années, y ai déambulé maintes et maintes fois. Il n'y aura pas de découverte de soi de mon côté.

Ces heures paralysées, ce temps distendu, cette impuissance, ces heures empêchée, je connais déjà. Je connais déjà, depuis cinq ans, cette solitude, ces replis, ce manque de liberté, ces entraves quotidiennes : c'est mon diagnostic, l'algodystrophie de la cheville, encore trop chevillée au corps, qui poursuit trop lentement le chemin vers la guérison.

Tous ces sentiments n'ont plus rien à m'apprendre. Alors s'il vous plait, que ça cesse. Que ça ne s'étende pas sur une septième année. Que ça cesse de me voler mon temps de vie, d'aspirer ma jeunesse, de m'enfoncer dans l'immobilisme. 2020, années d'angoisses, annihilation de ma créativité, mon temps morcelé au service de rien. 2020, année vécue par phases. La peur de grossir pendant le confinement (spoilers : ce ne fut pas le cas !), celle de perdre les gens qu'on aime (spoilers : non plus !), celle de finir seule (spoiler : toujours pas!), celle de me perdre (spoiler : et non!), celle de vriller trop loin (spoiler : pas encore!). Tant de peur combattues et de batailles remportées... 2020, aussi année du lâcher prise, aussi. Pas celui qui fait du bien, non. Celui du "plus rien à foutre", celui du "bats les couilles."

Le seul aspect positif de cette année 2020, ç'aura été l'arrivée du self-care dans les grands sujets, l'intérêt pour la santé mentale, et pour l'impact de nos modes de vies sur le vivant. Enfin les bonnes questions à l'ordre du jour. Enfin les bons sujets en plein coeur de l'air du temps. J'ai hâte de voir ce qu'on saura en faire, si tant de monde s'en empare.


On a beaucoup dit, à moitié pour rire, que 2020 était un coup dans l'eau, une année qui ne comptait pas, "venez on fait comme si elle n'avait jamais existé, genre on a pas pris une année de plus, c'est pas vrai, 2020 n'a pas compté pour une année, parce qu'on a pas vraiment vécu en 2020". Si seulement. Mais non, 2020 a malheureusement existé, et ne peut pas être effacé de notre temps de vie. Alors j'ai essayé de l'embellir. Peut-être qu'elle aura servi à ça, 2020. Faire prendre conscience qu'il nous appartient de nous créer de jolis souvenirs, en dansant sous l'orage s'il le faut. A mesure que les choses décroissent, que la réalité se resserre, que tout devient terne et que les horizons de 2021 nous apparaissent aussi bouchés que ceux de 2020, je retiens qu'il est primordial, et peut-être enfin accepté socialement, de prendre soin de soi. De vraiment prendre soin de soi. De prêter l'oreille à son être, de se traiter avec plus d'égards, de donner de la place à ses émotions, ses ressentis, ses besoins, avant ceux de la bienséance et autres absurdités conformistes. Pour ma part, je suis toujours aussi déstabilisée, déséquilibrée, désaxée, et le resterai probablement longtemps, tant que vivre pleinement, intensément, inconsciemment ne sera plus possible, qu'importe soit le visage du monde d'après.

Alors en attendant et tandis que le temps passe, en attendant que la parenthèse prenne fin, en attendant que le monde se desserre, se régurgite et se digère, et tandis que nos précieux jours de vie s'égrènent entre nos doigts impuissants, en attendant le temps, en attendant le futur, l'avenir et les possibilités, en attendant l'impatience au fond de l'impasse, en attendant l'infini, le supplément d'âme et les vagues de l'harmonie, en attendant le temps, piégée dans l'impuissance, je tends les bras vers l'absolu, le sempiternel, l'inconnu, la beauté, l'art et la manière, la permanence et les échos du passé.

Et pour garder une trace, ne pas oublier, préserver les images et les souvenirs, la voici donc, cette plongée très intime -et maintenant rituelle- dans l'inconfort de mon année 2020. Avec ses appuis, ses beautés, ses découvertes, ses réconforts, ses replis et ses ambiances couleurs. Tour d'horizon de mon année 2020.























































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