Un week-end (covidé) dans le Mercantour hivernal

29 avr. 2021




Les premier signes du printemps arrivant dangereusement dans le paysage, j'avais envie de profiter encore un peu de l'hiver. De sentir encore un peu le gel me piquer de sa griffe, la fraicheur de l'air sur la peau, la beauté des sommets enneigés dans le lointain. Envie de découvrir d'autres montagnes que celles que je connais par coeur, aussi. Mi-mars, dans le Champsaur tout a déjà fondu, de toutes façons.

Une des grandes chances que l'on a en Provence, c'est la diversité de notre territoire, entre mer et montagnes, accessibles en quelques heures de voiture. Et privés que nous sommes de nos plaisirs urbains, on avait plutôt envie d'un week-end en pleine campagne en même temps pas trop le choix en ce moment, dans la pampa la plus reculée possible, tiens, un week-end en amoureux dans un village, un village perché même, soyons fous !


La difficulté cependant, dans cette période toujours aussi restreinte de nos vies, avec le covid sur toutes les lèvres, la fermeture de la plupart des lieux publics et le couvre-feu de 18h, c'était de trouver une option économique et pratique, se pliant aux impératifs actuels. Qui dit petit village, ne dit pas restauration à emporter, et deliveroo n'est pas une option dans les vallées des Alpes. La solution s'imposait donc d'elle-même. Dormir dans une auberge, assurant le gîte et le couvert.

Pour ma part, après avoir enfin pris conscience que chaque vallée alpine se rejoignaient pour former un grand tout, j'ai orienté mes recherches du côté du Mercantour, ce coin de Provence qui m'était totalement méconnu. Situé "sur les hauteurs" de Nice, à 3h de route seulement depuis Marseille (mais 3h à 130km/h sur la troisième voie, disons-le), difficile d'arriver avant le couvre-feu de 18h et devinez quoi ? A 17h55, il y a des gendarmes sur les petites routes escarpées des Alpes. Mais malgré quelques désagréments (#euphémisme), le week-end d'hiver reculé en pleine nature, amputé de ses heures complètes et de ses charmes nocturnes valait le déplacement.





L E   M A S S I F   D U

Mercantour


Le massif du Mercantour, cette région si peu connue, mise en lumière uniquement surtout par le Tour de France, c'est cet étonnant paysage où les sommets enneigés côtoient le bord de mer. A quelques kilomètres de Nice, on écarquille les yeux de surprise en hiver. Depuis l'autoroute, on distingue bien la Méditerranée à droite, et à gauche, les crêtes montagneuses couronnées de blanc. Insolite !






Le massif abrite le parc naturel du même nom, un des 11 parcs nationaux de France. Haut lieu de la bio diversité dans le monde, du fait de sa situation très particulière, entre montagne et littoral méditerrannéen, le Mercantour est connu pour être un des espaces les plus sauvages de France. Sa variété de paysages dans un même espace, aux contrastes très marqués se démarque des autres massifs alpins. On sait d'ailleurs que le loup a fait son retour dans le Mercantour depuis 1992, où il a été réintroduit via le massif de l'Argentera, les reliefs frontaliers de l'Italie.  






L A   V A L L É E   D E   L A

Tinée


La route serpente, perce les reliefs rocheux pour s'enfoncer plus loin dans la vallée de la Tinée. Elle est sublime, ne ressemble pas du tout à celles du côté des écrins. Pas de plaines ni de plateaux, uniquement des sommets, qui semblent presque se chevaucher les uns les autres, avec des villages perchés à flanc de montagne et des virages en tête d'épingle pour y accéder. Quelques traces de la seconde guerre mondiale, avec des bunker allemands taillés dans la roche, mais surtout, surtout cette incroyable pierre permienne qui colore en violet le massif. D'aspect friable, formée par différentes tranches de sédimentation, du temps où le niveau de la mer baignait la vallée, les scientifiques y lisent l'histoire de la région, entre traces fossilisées et résidus d'activité volcanique. Après tout, nous sommes dans une zone de rapprochement entre deux plaques tectoniques. De l'autre côté des sommets, Isola 2000 et la frontière italienne. 





Gros fou-rire au rendez-vous : il n'y a (pratiquement) qu'une boulangerie, un vival et un proxi dans toute la vallée. Nécessité donc de prévoir en conséquence, surtout par temps de covid. Mais d'ailleurs, les Alpes maritimes c'est pas l'une des seules régions de France confinée le week-end ? Ben si. Putain, t'es en train de me dire qu'on a réservé un week-end à la montagne dans une zone confinée le week-end ? Pa-nique à bord. Mais non, ça va, c'est que le littoral des Alpes maritimes qui est confiné, ouf.  





L '  A U B E R G E 

Lo Robur



Situé au creux du village perché de Roure, l'auberge Lo Robur ouvre ses fenêtres directement sur les montagnes, offrant une vue magnifique à contempler en toutes saisons. Dans cette petite auberge de seulement 7 chambres, le décor est soigné et les tarifs de la prestation raisonnables (89€ la nuit, réservation via booking.com). Mais le plus indéniable, c'est la cuisine gastronomique que propose l'auberge. Son panel restauration, centré sur le bien manger, mise sur des produits locaux, de saison, bio, sains et naturels. La cuisine de la chef est un délice des dieux. Fine, délicate, harmonieuse, pleine de caractère. 

La terrasse panoramique du restaurant, à flanc de montagne, donne à elle-seule des envies d'évasion. Mais qui dit covid, dit restaurant fermé. Qu'à cela ne tienne, Lo Robur propose un service en chambre. Et c'est le gentil et doux Paulin, qui se charge de monter les étages pour porter les plats, d'apporter la carte des vins et de débarrasser au fur et a mesure.





Le petit déjeuner, un bonheur servi en chambre avec du jus d'orange sanguine, des tartines de pain frais faits maison avec du beurre salé, une brioche au chocolat aussi légère que l'air, un oeuf au plat cuit parfaitement, des granolas au yaourt à saupoudrer d'un bon miel des Alpes et de marmelade de framboises fraiches. Le plus inoubliables à mes yeux ? La gelée de rhubarbe, juste succulente. 12€ vraiment bien dépensés.

Le repas du soir laisse le choix entre une formule six plats à 60€ ou une à trois plats à 38€, et ces tarifs gastro ne sont pas cher payés pour la farandole de délices proposées. Les amuse-bouches à la crème de chèvre et aux dates étaient parfaits, mon oeuf cocotte aux poireaux et sa purée de topinambours aux câpres en entrée, délicieux, mon plat risotto aux épinards, succulent et en dessert mon macaron citronné sur un lit de sirop de lavande, inoubliable, le tout ayant été plus ou moins improvisé en version végétarienne à ma demande. 

Pour le repas du midi, le restaurant propose également des sandwichs à emporter, à 5,50€, tartinés de tapenade, d'oeufs dur, de radis et de fromage fin, saupoudrés d'une touche de miel entre deux tranches de pain faits maison, que j'ai pris grand plaisir à manger. 

Le tout était cependant très copieux, nécessité de vraiment avoir l'estomac vide avant de se mettre à table. Bref, tout était vraiment très agréable dans l'auberge Lo Robur, qui tient clairement sa promesse : offrir un moment de rêve (à passer à deux, par exemple).   




L E   V I L L A G E   M É D I É V A L   D E 

Roure


Village perché typique des villages montagnards, Roure domine la vallée depuis son architecture en balcon, bâtie à flanc de montagne. D'influence très italienne, avec ses couleurs chaudes et ses toits de tuile, il aurait presque une parenté avec les villages des Cinque Terre. Construit au beau milieu de les reliefs de pierre violette, on retrouve la couleur caractéristique du massif sur les murs des maisons, qui sont peu nombreuses dans le village.





Aucun commerce, un office de tourisme fermé pendant les heures d'affluence, une longue liste de soldats morts pour la patrie pendant la première guerre mondiale (impressionnant, de la part d'un si petit village), un tertre panormique, et c'est à peu près tout. 







Un petit parcours fléché dirige le visiteur dans ses petites rues historiques à l'affut des vestiges d'antan. Les lavoirs, le vieux four communal, la chapelle, le cadran solaire, les anciennes granges...  Clou du village, son église, la paroissale Saint Laurent. Entre le clocher XIème siècle et la façade baroque XVIIème, c'est l'influence très italienne qui l'emporte avec un intérieur riche, très rococo qui n'est pas sans me rappeler l'église de Briançon, une richesse inattendue dans un endroit si escarpé et isolé du fin fond des Alpes. 





En moins d'une heure, la visite est pliée. Ce qui m'a pourtant vraiment charmé dans ce village, outre le cadre fantastique et la superbe vue qu'il offre au visiteur, c'est la poésie avec laquelle le paysage invite à la contemplation. Des bancs simples et efficaces sont disposés dans les endroits les plus indiqués du village, invitant à s'y asseoir et à admirer la vue, apprécier le moment, nous plonger dans l'instant présent tout en nous invitant à la rêverie. J'ai adoré cet aspect, cette invitation à la pause poétique, qui fait d'autant plus aimer le calme, la grande quiétude qui émane du lieu, où sentir la brise sur sa peau, écouter le champ des oiseaux au soleil, à  l'ombre des branches d'un arbre, régénère tout simplement le corps comme le mental. 





Vous ne croiserez pas grand monde à Roure, à croire que le village est peu habité (ce qui est démenti par le nombre de voiture garées à flanc de montagne). Mais la visite en vaut la chandelle et pour ma part, j'ai trouvé le lieu vraiment très inspirant. 





L '  A R B O R E T U M 

Marcel Kroënlein



A ne pas rater lors d'un passage à Roure, L'arboretum Marcel Kroënlein. Situé sur les hauteurs du village, on y accède à pieds (compter 30 min de marche) ou en voiture, avec toujours les mêmes virages en tête d'épingle. 

Un arboretum, je l'ignorais jusqu'ici, est une sorte de jardin botanique, mais plus précisément une collection d'arbre, une sorte de parc consacré à la culture d'arbres (et arbustes) dans le but d'étudier leur comportement. Véritable musée vivant, un arboretum est aussi un témoins et protecteur de la biodiversité. 





Comme il s'agit d'un jardin privé, site protégé, entretenu, la visite s'offre au visiteur au tarif de 5€. L'occasion pour lui de déambuler dans un vaste espace habité par de nombreuses variétés d'arbres mais aussi... d'oeuvres d'art. Car une des particularités de cet arboretum c'est effectivement son lien avec l'art, ayant bénéficié par le passé du soutien d'artistes provençaux comme Ben, Ernest Pignon-Ernest, Andy Godsworthy, Louis Nucera, Arman, Jean-Michel Folon, César (!) ou sensibles à l'environnement comme Andy Goldsworthy, grand nom du land-art. Aujourd'hui c'est un collectif d'artistes, no-made qui sème ses oeuvres d'art sur les hectares de L'arboretum. 

Le jardin porte le nom de Marcel Kroënlein, grand botaniste de nombreuses années à la tête du jardin botanique de Monaco, à l'origine de l'idée de cet arboretum, qui finit par porter son nom à sa mort. Crée l'année de ma naissance, j'ai rapidement senti un lien avec cet endroit, qui avait clairement tout pour me plaire. D'abord la vue, splendide, sur la vallée, l'immense quiétude du lieu, reposante, l'ambiance hypnotique, énergétique d'une forêt d'arbres, puis la présence esthétique et surprenante d'oeuvres d'art contemporain au beau milieu du décor.





L'arboretum Marcel Kroënlein est le premier arboretum de haute montagne en France. Sa vocation vise à rassembler des espèces d'arbres poussant en montagne, dans les Alpes comme sur d'autres massifs. Ainsi, on y croise plus de 400 arbres plantés, dont plus de 130 d'origine exotique, comme des érables japonais ou des cerisiers du Tibet. 






Une fois nos pas dirigés jusqu'au chalet d'accueil, nous avons constaté qu'il n'y avait personne pour nous accueillir : le personnel est souvent en vadrouille sur le site, en train de vaquer à ses occupations. L'accueil -quand il arrive- est pourtant très agréable et chaleureux. On nous propose une visite guidée que je refuse, de peur de ne pas pouvoir suivre le rythme du guide avec ma cheville algodystrophiée. Grossière erreur : j'ai vraiment regretté ce choix tant l'enthousiasme et la passion du gars qui le proposait étaient contagieux. Le petit topo qu'il nous a fait sur le lieux était vraiment, vraiment très intéressant. Il nous remet en mains un plan et nous voici en circulation libre au beau milieu des arbres.





L'arboretum n'est pas bien grand. En une heure de marche (même moins), on en a vite fait le tour, deux si l'on souhaite prendre son temps et profiter de la quiétude du lieu (ce que je recommande vivement). L'aspect qui m'intéressait le plus, était bien entendu l'aspect artistique plus que l'aspect biologique. Si j'ai pris plaisir à lire les pancartes placées aux bons endroits et ai appris beaucoup sur la biodiversité (respirer à pleins poumons en présence d'un lichen fruticuleux, cette plante ne poussant que dans un air sans pollution), j'ai en revanche été assez déçue par la qualité des oeuvres d'art, pas toutes remarquables. J'ai cru comprendre qu'elles étaient renouvelées régulièrement. 

Toujours est-il que l'endroit mérite vraiment le détour, pour sa quiétude, son cadre unique et sa beauté. Et vraiment, de tout coeur, je recommande une visite guidée de L'arboretum Marcel Kroënlein. 




S U R   L E S   T R A C E S   D E S 

Derniers sommets enneigés



L'objectif de ce séjour, c'était tout de même de profiter des dernières neiges de la saison. J'avais à coeur de me rouler encore un peu dedans respirer à pleins poumons l'air de l'hiver et me balader sur son manteau neigeux. Malheureusement, les dernières neiges se situent bien plus haut dans les sommets, à plus d'une heure de trajet sur des routes escarpées. Grandes stations artificiellement damées ou cols sauvages impraticables, le choix n'était pas des plus plaisants à cette période de l'année.

J'ai donc tenté de négocier un entre deux, suivant les conseils des locaux qui m'ont incitée à aller me balader du côté de Roubion-les-bruisses, une petite station de ski familiale, entre Roure et le col de la Couillole. De la neige, d'un bel éclat, mais pas d'une folle qualité. Tour à tout verglacée puis poreuse, difficile d'envisager une randonnée sans me défoncer la cheville. Déception. Tant pis, je respire tout de même l'air hivernal, enivre mes sens de ces dernières sensations de neige.   







E N   C O N C L U S I O N 


Un week-end bien court mais surprenant, qui ressource et appelle à la découverte, malheureusement amputé de ses heures et de quelques unes de ses voluptés, covid oblige. Je suis rentrée ressourcée, tout de même un peu frustrée, avec déjà l'envie de repartir, mais la volupté des sens fut au rendez-vous, ainsi que le repos. J'ai désormais très envie de repartir à la découverte des Alpes du Mercantour, un massif riche en contrastes qu'il me tarde d'explorer plus amplement.  




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