Chaque année l'arrivée de l'automne est synonyme de frénésie dans le petit monde des dessinateurs. Car automne est synonyme d'Inktober, le grand challenge worldwide du mois d'Octobre : faire un dessin par jour en suivant les mots d'une liste attribués aux 31 jours du mois et partager son travail sur les réseaux sociaux !
Attendu par les uns, décrié par les autres, nous sommes tout de même nombreux à participer chaque année à l'Inktober. Au-delà des considérations autour de nos propres coups de crayon, l'Inktober c'est aussi le plaisir de remonter son fil d'actu débordant de magnifiques dessins qui fleurissent en cascade sur les réseaux, une belle occasion de découvrir de nouveaux illustrateurs, d'ailleurs.
Triste constat : j'essaye de tenir l'Inktober depuis six ans. Et n'y étais à ce jour pas arrivée une seule fois. C'est très difficile Inktober. Dessiner tous les jours demande un temps, une énergie et une discipline folle. Trois paramètres difficiles à cultiver sur le long terme et pour peu que comme moi, la rigueur ne soit pas votre meilleure amie, Adieu Berthe (expression sponsorisée par l'année 1837).
Voilà pourtant trois années que je m'y suis mise sérieusement, les deux pieds dans les starting blocks, motivée comme jamais le premier du mois. Et immanquablement, je ne réussissais pas à aller au bout du challenge. Souvent, les trois premiers jours fonctionnent, puis ça commence à coincer au 5 ème jour, et au vu du retard pris, j'abandonne au milieu de la 2ème semaine.
Alors oui, notons un progrès, les deux années précédentes, j'étais parvenue à faire tous mes crayonnés, dont l'année dernière - applaudissement s'il vous plait - un crayonné par jour pendant 31 jours, et croyez-bien que ce fut une épreuve. Pour autant, impossible d'aller jusqu'au bout. Impossible de réussir l'Inktober, malgré toute ma bonne volonté et tout l'amont d'énergie consacrée. Jusqu'à cette année.
Cette année j'ai réussi à mener à bien l'Inktober, Alleluia. Bon ok, pour être franche, il me manquait encore 4 dessins au 31 octobre, mais vu mon score habituel, je considère que l'Inktober 2020 fut une réussite. Hum, 2020 et réussite dans la même phrase...
Mais venons-en à la question sur toutes les lèvres (n'est-ce pas ?) : après cet enchainement d'échecs années après années, qu'est-ce qui a donc marché cette fois-ci ? On pourrait croire que l'ambiance covid-19 couvre-feu, confinement & cie aiderait grandement à l'Inktober, mais que nenni, dans mon cas néanmoins, tout ce beau bordel a tendance à tuer ma créativité et paralyser mes aptitudes plutôt que de me dégager du temps pour dessiner.
Alors, qu'est-ce qui a pu faire la différence cette fois-ci ? Tout simplement un florilège de petites choses qui mises bout à bout, semblent donner des résultats satisfaisants ! Sans plus attendre, voici donc 5 conseils pratiques tirés de mes échecs pour enfin réussir l'Inktober.
- - Choisir une liste qui nous inspire (avant l'Inktober)
- - S'y prendre à l'avance (avant l'Inktober)
- - Bien préparer l'Inktober (avant l'Inktober)
- - Baisser ses exigences (pendant l'Inktober)
- - Lâcher prise (pendant l'Inktober)

1 - Choisir une liste qui nous inspire
Ça parait peut-être évident, mais s'il y a bien une chose à ne jamais perdre de vue en dessin, c'est l'importance de dessiner ce qui nous plait, ce qui nous fait envie, ce qui nous électrise. En terme de concentration et d'énergie, on donne beaucoup sur un seul dessin. Et lorsqu'il est question de tenir un challenge dans la durée, de passer des heures et des jours sur un projet, autant que cet investissement de temps et d'énergie nous captive suffisamment pour que le jeu en vaille la chandelle.
Mais plus important encore : il faut que ce challenge reste du plaisir, que le fait de faire un dessin par jour vous soit plaisant.
S'il est de tradition de suivre la liste officielle de Jack Parker, la plupart des dessinateurs (dont je fais partie) contournent cette liste pour justement trouver un moyen de dessiner ce qui leur plait. On trouve sur instagram des centaines de listes, crées par d'autres participants à l'Inktober, la plupart du temps en anglais, regroupées sous le nom de "prompts list".
Vous pouvez donc décider de suivre une liste qui vous inspire ou encore mieux, tout simplement créer votre propre liste (bon courage). Moi cette année, je me suis inspirée de deux listes que j'ai fusionnées pour m'en créer une.

Clairement, se rendre compte le 30 septembre qu'il est temps de penser à l'Inktober, c'est avoir tout faux. J'ai finalement appris qu'Inktober se prépare, n'en déplaise à ma spontanéité créative. Si l'on reprend la métaphore d'Haruki Murakami sur la créativité en général, faire un dessin par jour s'apparente à une course de fond, et guess what ? on ne gagne pas un marathon par hasard, une course demande de la préparation en amont.
Certains seront assez disciplinés pour se réserver des créneaux horaires par jour, d'autres feront en fonction des pics d'énergie de la journée, à chacun son organisation, mais l'important reste d'avoir trouvé son concept suffisamment à l'avance pour pouvoir faire infuser ses idées et bâtir une suite de dessins solides et cohérents.
Cette fois-ci, je m'y suis pris une semaine à l'avance. Ce fut suffisant pour me donner un recul nécessaire sur mes idées, anticiper et résoudre les problèmes avant qu'ils ne se posent, tout mettre en ordre dans ma tête et demeurer fraiche et dispose le 1er octobre pour attaquer le challenge.

3 - Bien préparer l'Inktober ...
Un fois qu'on a sa liste, ses envies définies et que le projet prend un peu forme dans sa tête, le temps de réflexion qui suit est capital. Format choisi, matériel requis, technique utilisée sont les premiers paramètres à définir. Mais il s'agit je crois d'aller plus loin.
Un Inktober étant une série de dessins sur laquelle on passe du temps, autant la penser en amont pour la rendre cohérente. Et pour se faire, afin d'éviter d'abandonner en cours de route, je recommande de préparer la somme de toutes ses idées à l'avance. Ce coup-ci, et je crois bien que c'est un des points qui m'a fait réussir l'Inktober cette année, j'ai cherché mes idées et préparé tous mes croquis à l'avance, à la façon d'un story board, tel un guide, avec l'idée en tête et posée grosso modo sur le papier, je savais donc où j'allais jour après jour.
Bon à savoir : la plupart des dessinateurs qui postent un dessin sublime et maîtrisé par jour n'ont pas le talent qui dégouline de chaque pore de leur peau ni ne sont dotés d'une rapidité d'exécution phénoménale en comparaison de laquelle il ne vous reste plus qu'à vous morfondre vous, pauvre artiste raté. Non, ces grands illusionnistes ont tout simplement déjà préparé leurs crayonnés en amont au cours du mois de Septembre. Plus facile de poster un dessin par jour quand tout est déjà prêt et qu'il ne s'agit que de faire la mise en couleur au jour le jour ;)
Certains, comme par exemple Cy, peuvent donc se permettre de se fixer des objectifs précis tels que travailler la lumière façon clair-obscur ce coup-ci, et donc profiter de l'Inktober pour en apprendre encore plus sur le dessin. Grand bravo à elle, mais tout le monde n'en est pas forcément capable. Pour ma part je recommanderai plutôt de ne rien se fixer de dithyrambique, sous peine de se sentir trop nul pour continuer (et ma transition est toute trouvée pour le point suivant).

4 - Baisser ses exigences ...
Lorsqu'on dessine, survient souvent un problème très frustrant : combler l'écart entre ce qu'on a en tête et ce qu'on produit sur le papier. Un écueil pour ma part que j'expérimente très souvent : les choses fabuleuses que j'ai dans la tête ont toujours du mal à s'incarner aussi bien sur papier. Déception, doute et angoisses s'invitent par cette porte et lorsqu'ils sont présents, difficile de les déloger.
Mais reprenons la métaphore de Murakami : l'important, c'est de terminer la course. Tant pis si c'est pas dans les temps, tant pis si on court avec peu de grâce, tant pis si on la termine en marchant, mais on la finit cette putain de course. Et pour cela, il faudra peut-être baisser ses exigences. Qu'à cela ne tienne, ce n'est pas grave. Nous ferons mieux la prochaine fois. Peut-être aurez-vous envie de reprendre vos dessins après coup, d'en recommencer certains, de puiser dans ces idées-là pour partir sur toute autre chose, who knows ?
Finir un Inktober est vraiment très gratifiant, peu importe dans quelles conditions. Je recommande donc de baisser ses exigences lorsqu'elles sont trop hautes, un dessin par jour pendant un mois n'aura jamais la qualité d'un dessin plus rare et élaboré auquel bien plus de temps et d'énergie auront été consacrés. Et puis, ce n'est pas ça l'important. L'important c'est de laisser jaillir sur soi tous les apprentissages qu'un Inktober terminé ont à vous apporter.
Baisser mes exigences fut un crève-coeur pour la perfectionniste pathologique que je suis. Pour autant j'ai conscience que si je ne l'avais pas fait, j'aurais passé plus de temps sur tel dessin, recommencé encore et encore jusqu'à satisfaction au point de prendre un tel retard que j'aurais très vite abandonné, profondément découragée.

Faire le deuil de la perfection n'est jamais simple. Pour certains plus que d'autre, j'en conviens, mais nous sommes je crois la génération "never enough", pour laquelle rien n'est jamais satisfaisant, surtout pas soi-même. Nous sommes cette génération qui a besoin de se répéter "i am enough", parce qu'on nous a toujours répété le contraire. Pas assez beaux, pas assez compétents, pas assez sur de soi, pas assez si, pas assez ça, pas assez, pas assez, jamais assez.
Avez-vous déjà entendu les mots "tu es suffisamment bien comme tu es", vous ? Moi, non. Moi quand j'avais 19/20 on me demandait pourquoi j'avais pas eu 20/20, quand j'écrivais un texte brillant de trois pages on ne me parlait que de la seule faute d'orthographe que j'avais faite en page 2, quand je montais un spectacle de petite fille hyper élaboré pour mon âge, on ne retenait que les aspects bancals de mon assemblage. Résultat de cette éducation so 90 (je sais qu'on est nombreux dans ce cas) ? La paralysie du perfectionnisme. Et ça, c'est dur à débouter à l'âge adulte, et franchement handicapant dans le monde créatif.
Dessiner, faire le Inktober, ça doit rester un plaisir. Pas de trophée à gagner à la fin, pas de marche de la honte à poil dans les rues de King's landing pour le participant qui n'a pas réussi à poster chaque jour sur les réseaux une parfaite photo d'un dessin parfait à 18h, non. Les règles sont faites pour se les approprier, alors appropriez vous-les en fonction de vos problématiques et de vos propres attentes.
Ce conseil donc, arrêter de me flageller, j'ai eu un mal fou à me l'appliquer à moi-même. Mais il l'a bien fallu, et c'est quand j'ai arrêté de me taper dessus que j'ai pu pleinement profiter des enseignements et des avantages de l'Inktober, et que sans grand étonnement, j'ai fait les meilleurs dessins. Un lâcher prise donc, et qui fait vraiment, mais vraiment du bien.
Alors non, je n'ai pas fini Inktober dans les temps. Je ne suis pas très satisfaite de mes dessins. J'aurais probablement pu faire (beaucoup) mieux. Je ne les ai même pas postés sur les réseaux. Mais j'ai fait bien mieux que les précédentes années et j'ai réussi à finir Inktober et ça, pour cette fois, c'est suffisant. I am (some kind of) enough.

Une dernière petite astuce pour la route, susceptible d'en motiver plus d'un. Faites l'Inktober avec vos potes ! C'est toujours plus motivant de partager son avancement, ça pousse à ne pas abandonner, ça tire vers le haut ! Ça aide à se re-motiver aussi, quand on s'est découragé, doux pouvoir de l'amitié :) ...
Cette année je l'ai fait avec ma talentueuse copine Ariane et je crois bien que ça nous a bien aidées toutes les deux, ne serait-ce que de se rendre compte de la difficulté du challenge Inktober. Contrairement à moi, Ariane a choisi de passer plus de temps sur ses Inktober, ce qui lui a valu de finir le challenge un mois plus tard, ce qui est aussi bien en soi et rend plutôt bien dans son portfolio !

● pour dessiner une série : avoir un projet global à montrer c'est toujours intéressant, au delà de prouver qu'on en est capable, ça fait vraiment pro, c'est très homogène point de vue présentation et ça rend tellement bien dans le portfolio, une série...
● pour apporter de la visibilité sur son travail : pas sûr qu'Inktober fasse de vous une star imminente du dessin, mais poster son travail en ligne, que ce soit sur les réseaux (instagram, king du game) ou ailleurs vous ramènera forcément de la visibilité et des commentaires, et peut-être même avec de la chance, des followers voire un employeur (soyons fous !). Pour la pêche aux likes, n'hésitez pas à poster vos travaux au jour le jour, nombreuses sont les attentions focalisées sur la mouvance illustrative du mois d'octobre.


Si de votre côté l'envie vous étreint de vous lancer à l'assaut du challenge Inktober 2021 et de suivre ma liste de prompts, la voici. Pensez à me tagger si vous l'utilisez, ça me ferait grave plaisir de le savoir. Bonne chance, bon plaisir, et bonne endurance !

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