Souffler dans les mimosas du massif du Tanneron

En ces jours plein d'incertitudes, on sait qu'il nous faut apprendre à cultiver différemment la notion d'équilibre. Plus facile à dire qu'à faire, certes. Insidieusement, des changements se font et se défont dans nos habitudes, sans qu'on en mesure forcément l'impact. Pour ma part, c'est le sommeil qui en a pris pour son grade, une grande première : il aura fallu une pandémie globale installée sur un peu moins d'un an pour venir perturber mes cycles inébranlables de parfaite dormeuse, un atout naturel qu'on me jalouse énormément - et que j'aurais juré immuable. Je rejoins donc à grand regret le clan des insomniaques, de ceux qui ont bien du mal à s'endormir, ceux qui se réveillent plusieurs fois en pleine nuit. Putain...

Ce sommeil hachuré m'épuise, entrave mes journées bien écourtées par le couvre feu de 18h et pèse sur mon moral déjà bien en berne. Bon. Question santé mentale, on sait qu'on est plus ou moins tous dans le même bateau, et que ça commence à bien prendre l'eau chez tout le monde. Chacun ses rustines pour maintenir le navire à flot. La mienne en ce mois de Janvier neurasthénique ce fut... le mimosa.

Fleur de l'hiver, le mimosa est une lumière, une douceur, un nectar, une senteur inégalée en laquelle j'ai toujours puisé équilibre et bien-être. Un plaisir contemplatif, une joie saisonnière à savourer.

Dehors y a pandémie ? Mets du mimosa dans ta vie.

En bonne monomaniaque, cette année je m'y suis donc raccrochée comme si ~~ma vie~~ ma santé mentale en dépendait, et les bouquets de mimosas fraichement achetés au marché ont défilé dans l'appartement : un vrai réconfort, une ivresse des sens.

La chance qu'on a, ici en Provence, c'est d'habiter une région qui se distingue pour son mimosa. On croise d'ailleurs assez facilement la plante, en rase campagne et jusque dans nos villes - certains quartiers de Marseille voient fleurir leurs rues le long des habitations.

Mais, ce qui ne se sait pas forcément, c'est que c'est sur la Côte d'Azur que se concentrent les plus beaux paysages ornés de l'arbre à la fleur d'or.

Principale région de culture du mimosa en France, elle abrite 90 des 1200 variétés de mimosas qu'on recense dans le monde. On considère même Mandelieu-la-Napoule comme capitale internationale du mimosa, où s'y célèbre depuis 1931 une grande fête populaire en l'honneur de la fleur dorée, qui court sur une dizaine de jours (spoiler : pas cette année).

Petite histoire du mimosa

Le mimosa est un arbre à l'origine venant des terres arides d'Australie, où et la sécheresse des sols favorise son expansion. Il est introduit en Europe à l'issue du premier voyage du Capitaine Cook (1771), mais il faut attendre les expéditions du navigateur français Nicolas Baudin pour que le mimosa s'implante en France (en 1800). Les premiers arbres sont acclimatés dans les jardins du Château de Malmaison, demeure de Jospehine Beauharnais, qui encourage son implantation dans le paysage, notamment sur la Côte d'Azur, qui offre un climat favorable à son développement, grâce à son ensoleillement et à la rareté des gelées. Le mimosa prit ainsi racine dans les massifs de l'Estérel et du Tanneron : les aristocrates européens furent les premier à les implanter dans leurs jardins, d'où le symbole d'élégance et de magnifiscence toujours associé à la fleur de mimosa.

Le Var, ce côté de la Provence où je m'aventure si peu...

Partir à la recherche du mimosa ne fut pas chose facile, tant il y a peu de ressources disponibles sur le net à ce sujet, comme si les forêts de mimosa figuraient un secret bien gardé des locaux qui jalousent à le partager. Il aura fallu s'entendre transmettre les savoir provençaux de famille et quelques coups de téléphone à l'office du tourisme pour comprendre vers où orienter ses pas sur la Côte d'Azur.

Deux solutions pour aller respirer le mimosa en hiver.

● la route du mimosa : suivre un itinéraire de 130km le long de la côte, en 8 étapes à partir du village de Bormes-les-mimosas jusqu'à Grasse. voir {ici} ou {ici}

● la forêt de mimosas en plein coeur du massif du Tanneron : rouler jusqu'au village de Tanneron, y garer sa voiture, et partir explorer la plus grande forêt de mimosa d'Europe. voir {ici}

Idéalement, pour bien profiter de la saison, il faudrait y passer le week-end entier, histoire de pouvoir prendre son temps et de jouir pleinement du moment. Mais quel intérêt de débourser l'argent d'un séjour lorsque restos, cafés et visites sont fermés ? #dilemneépicuriste

Cette année j'ai donc opté pour une balade à la journée, histoire de m'aérer la tête et d'en prendre plein les yeux, sans pour autant dilapider vainement les ressources de mon porte monnaie. Et pour mieux savourer l'or en branche, je me suis dit qu'il était plus pertinent de se concentrer sur le dit le triangle d'or (Mandelieu - Pegonas - Tanneron) du massif du Tanneron, écrin d'une forêt de mimosas dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'à présent.

Le massif du Tanneron

Depuis Marseille, 1h50 de route. Compter une demi heure de plus si vous n'êtes pas du genre à squatter non-stop la troisième voie d'autoroute. Le défi de la journée, c'était d'essayer de respecter au maximum le couvre-feu de 18h, chose assez difficile à faire en roulant 350 km dans une même journée.

Un direct autoroute au tarif onéreux de l'Esterel (fuck you Vinci) suivi d'une vingtaine de minutes dans les virages serrés de reliefs rocheux, et nous voici garées dans le village de Tanneron, un dimanche de Janvier où il y a foule sur le parking, mais heureusement pas dans les sentiers du massif.

La vue est magnifique, avec les sommets enneigés au loin, et l'or jaune des arbres épars dans le paysage. Petite déception : nous sommes venues trop tôt. Le massif abrite plusieurs variétés de mimosa qui n'ont pas tous éclos en même temps. Mais les parcelles fleuries sont à couper le souffle. Nous les suivons à la trace, conduites par le contraste qu'elles forment dans le paysage.

Et c'est un moment de grâce. Marcher au coeur d'une forêt de mimosas. Slalomer entre les arbres fleuris. S'émerveiller de ce festival coloré, entre le bleu du ciel et l'or des branches. S'enivrer des senteurs, douces et délicates. Plénitude. Moments qui font battre le coeur. Régénérescence.

Difficile de se repaitre de ces merveilleuses minutes, heures, qui transportent, qui font tout oublier. Qui guérissent, calment et tranquilisent. Rendent optimiste. La beauté de la nature est sans égal. S'en rappeler me semble important. Un accompagnement précieux lors de toutes les étapes de la vie, des vertus thérapeutiques à tout moment, pourvu qu'on s'immerge et se laisse imprégner de son contact.

Les abeilles bourdonnent dans les fleurs. Je cueille quelques branches, celles au sol, sans doute projetées par les intempéries de la veille. Quelques cultures d'eucalyptus cottoient l'or des mimosas, et le sol rocheux du massif est riche en sublimes formations minérales, jolies pierres à ramasser.

Une fois les lieux arpentés, il ne faut pas faire l'impasse sur la descente vers Mandelieu-la-Napoule. En prenant le chemin balisé de la route des mimosas, la D138, on tombe sur l'autre versant du massif, celui avec vue sur la mer. De nombreux promeneurs se sont garés sur le bord de la route et arpentent les chemins au milieu des arbres, bouquets cueillis à la main. Que c'est beau. Que c'est poétique. Que c'est provençal, l'azur de la mer, le bleu criard du ciel ensoleillé, l'or rutilant des fleurs. De ce côté-ci, les sentiers arpentent la forêt domaniale du Grand Duc.

Il y aurait matière à faire une belle randonnée, pour ceux qui le peuvent - je rage de la faiblesse de ma cheville. Des conseils randos dans les mimosa sur le blog L'oiseau Rose {ici}.

Attention cependant à bien choisir son timming. Le mimosa, c'est plusieurs dizaines de variétés d'arbres qui n'éclosent pas toutes en même temps.

La floraison du mimosa, c'est une fenêtre de tir assez réduite, qui court de Janvier à Mars selon les guides, mais qui je crois, varie énormément selon l'année et ses températures. Nécessité donc de bien se renseigner avant de s'aventurer dans le massif, auprès de l'office de tourisme de Tanneron et de celui de Bormes-les-mimosas.

En ce dernier jour de Janvier 2021, nous n'étions qu'au début de la saison, mais j'ai l'impression que mi- Février, le mimosa perdra rapidement de son jaune éclatant.

en conclusion

Une balade inoubliable, du genre de celles qui régénèrent, gravent des souvenirs et des sensations à tout jamais dans le corps. Je ne sais toujours pas pourquoi le massif du Tanneron et ses mimosas, qui n'ont rien à envier à la beauté du plateau de Valensole et ses lavandes en été sont aussi peu connus. Mais une chose est sûre : le trajet un peu long en vaut largement la chandelle. Pour ma part j'envisage l'année prochaine, dans un monde que j'espère post-apocalyptique - croisons les doigts - d'y retourner le temps d'un week-end, cette fois-ci profiter plus longuement des mimosas et de la beauté de la Côte d'Azur en hiver. Et coup de théâtre (or is it ?) : cette nuit-là, j'ai vraiment bien dormi...