Cinéma asiatique : trois superbes films indépendants à ne pas rater

4 avr. 2023



L'école du bout du monde

Bouthan, 2020

{ le plus contemplatif }




Le pitch : Ugyen Dorji, jeune bouthanais, rêve d'occident, embrigadé pour l'heure par un travail qu'il n'a jamais trop choisi, celui d'instituteur. Tandis qu'il profite de sa jeunesse dans la Capitale en multipliant les demandes de visa pour l'Australie, son académie lui affecte un nouveau poste en l'envoyant à Lunana, le village le plus reculé du pays. Perché à plus de 5000m dans ces montagnes accessibles uniquement à pied, et ce, au prix d'une semaine de marche depuis la dernière route, Lunana ne brille pas par son modernisme et Ugyen n'est pas très emballé à l'idée de se retrouver sans électricité ni connexion internet pour les prochains mois. Sa poignée d'habitants, en revanche, est transie de bonheur à l'idée de l'arrivée du nouvel instituteur. 





On ne connait pas grand chose du Bouthan, un des pays les plus isolés de la planète. On sait qu'il peut se targuer d'être le pays du bonheur national brut et qu'une bonne partie de sa géographie se situe dans l'Himalaya. Alors lorsqu'un film bouthanais sort sur les écrans, difficile de ne pas s'y intéresser, d'autant plus que celui-ci s'est taillé une place à la nomination des oscars 2022, et qu'il est le premier film bouthanais à ne l'avoir jamais été. 


Je ne pense pas qu'il soit possible de rester de marbre face à L'école du bout du monde. On y entre par les yeux très occidentalisés d'Ugyen, en qui on ne peut que se reconnaitre. En suivant ses pas, on y découvre un pays pauvre et riche à la fois, avec ses magnifiques paysages, la beauté de ses traditions et de ses habitants. Combustible à base de bouse de yack, neiges craintes, préciosité du papier, importance du chant... Tout est dépaysant dans ce film et vous donnera probablement envie de voyager et d'aller à la rencontre de ces dernières contrées sauvages, comme Lunana. 


Mais tel n'est pas vraiment le sujet du film. L'école du bout du monde, c'est avant tout une histoire d'apprentissage qui se tisse au creux d'une fracture sociétale où l'on se questionne sur la définition du bonheur et la poursuite de sa quête, le long d'une rencontre entre deux mondes. Ugyen peste de ne pas capter la 3G. Les habitants de Lunana savent qu'ils sont ignorants et comptent sur lui pour avoir un meilleur avenir. Difficile de ne pas tomber dans les bras de Pem Zam l'adorable petite déléguée, Michen le guide au grand coeur, Asha le chef du village et même Norbu, le yack... Bref, une histoire profondément touchante, un très beau film d'apprentissage, qui reste longtemps en tête.




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Le retour des hirondelles
Chine, 2022
{ le plus délicat }


Le pitch : Chine rurale, un mariage arrangé comme tant d'autres. Ravis de se débarasser d'eux, leurs familles respectives unissent Youtie, paysan endurci et Guiying, femme impotente dont on ne sait que faire. Les nouveaux mariés tentent de se construire une vie, apprennent à se connaitre, et se surprennent à aimer la présence de l’autre. 



Quel superbe film, et quel coup de coeur. Les mots sont difficiles à trouver pour rendre hommage à ce bijou de délicatesse. Deux personnages sur lesquels on aurait jamais misé pour nous émouvoir.

Il y a quelque chose de fascinant dans la construction de ce lien, basé sur la tolérance et la douceur. Tous deux évoluent dans un monde terriblement dur où la cruauté se fait sa place le long des conditions de vie difficiles de la ruralité chinoise. Guiyin, enfant qu’on a tant battue qu’elle en est devenue incontinente découvre le respect tandis que Youtie, peu considéré par ses pairs aime à fondre sa force et ses efforts dans le sens d’une vie bâtie à deux, loin de sa solitude habituelle.  

Mais Le retour des hirondelles, c’est avant tout une critique sociale de la Chine rurale, avec sa politique de peuplement / dépeuplement, et ses injustices, ce qui a d’ailleurs valu au film d’être interdit en Chine. Pour les besoins du film, le réalisateur, issu lui-même de la ruralité chinoise va jusqu’à choisir son propre oncle comme personnage principal de son film, d’où le grand réalisme dans tous ses gestes précis de la terre. 

De mon côté, j’ai trouvé cet homme fascinant, plus qu’admirative de sa capacité à faire tant de choses de ses mains, à transformer son environnement, se bâtir une vie économique à la simple force de ses efforts répétés, le tout enroulé autour d’une écharpe d’humilité constante. .

Et parce qu’on voyait bien que les choses commençaient à aller un peu trop bien pour que le drame ne retombe pas sur l’intrigue, on est pas trop surpris d’un tel dénouement.  

Bref, une superbe fresque sur la Chine rurale contemporaine doublée d’une histoire d’amour bouleversante. Une bouffée d’air ventilé qui nous arrive d’un horizon lointain, et nous plonge à la rencontre de cette réalité inconnue, de cette misère et de ces gens dont on ne parle jamais. A voir absolument. 












La famille Asada
Japon, 2020
{ le plus excentrique }


Le pitch : Masashi Asada est désormais photographe. Mais avant d'en arriver là, il lui a fallu faire du chemin. Un chemin sur lequel il a pu compter sur ses proches, notamment sur sa famille, les Asada. Le père, homme au foyer, la mère, infirmière, le frère, on sait pas trop. Au milieu d'eux, Masashi lui-même et ses aspirations artistiques, qui n'hésite pas à mettre sa famille à contribution. Sa dernière idée : les photographier selon une mise en scène basée sur leurs propres rêves. En pompier pour son père, en épouse de Yakuza pour sa mère, en pilote de formule 1 pour son frère. De ces photos loufoques est-il possible que naisse une carrière ? 



Dans un registre très différent, cette adaptation de la vie du photographe japonais Masahi Asada nous entraine dans ce qu'on adore tant chez les japonais : leur extravagance bien singulière.

Je suis restée sciée d’apprendre que tout ceci découle d’une histoire vraie. Pour ma part j’aurais donné cher pour faire partie d’une famille telle que la leur et j’ai la nette intuition que les Asada doivent recevoir régulièrement des demandes d’adoption. On en voudrait presque à Masashi de ne pas se rendre compte de la puissance du soutien et de la bienveillance de son entourage, famille et amis compris.       

Récit d’apprentissage, La famille Asada nous entraine le long des vrais sujets de la vie. L’importance des origines, du socle que forment les êtres aimés, la nécessité de partir pour mieux se trouver, l’importance du soutien des autres dans son propre épanouissement, la bataille à mener pour faire grandir sa confiance en soi, l’importance de répondre présent aux vrais défis, de suivre sa boussole intérieure, et les affres du temps qui passe.    

Bref un très chouette film aussi sérieux que décalé, rempli de bonnes feel good vibes comme on en croise trop peu souvent.




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