Couleurs de l'incendie ◆ Pierre Lemaitre, vengeance & trahison d'une désargentée

24 avr. 2019



Comme bon nombre de lecteurs, j'ai été harponnée par Au revoir là-haut, sublime lecture aux échos de première guerre mondiale écrite par Pierre Lemaitre, qui lui valut le Prix Goncourt en 2013. Cinq ans plus tard, l'auteur revient avec Couleurs de l'incendie, second tome de ce qui sera sa trilogie de l'entre deux guerre, Les enfants du désastre. Impatiente de retrouver les thèmes et la plume envoutante qui m'avaient tant séduite dans Au revoir là-haut, je me suis ruée sur Couleurs de l'incendie, qui bien qu'ayant de nombreuses qualités, n'a malheureusement pas su renouer avec la magie du premier tome.



résumé


Le pitch : Marcel Péricourt vient de trépasser. L'héritage de l'empire banquier de la fortune des Péricourt repose sur les épaules de Madeleine, sa fille unique. Pas préparée pour la tâche, Madeleine ne peut ni compter sur son mari le lieutenant Aulney Pradelle qui croupit en prison, ni sur son fils, Paul, 7 ans, qui vient de commettre l'irréparable, ni sur le proche entourage qui voit dans la mort du patriarche une aubaine pour se tailler une part de choix dans la fortune Péricourt. Détroussée, trahie, par les siens, Madeleine se retrouve dans une telle situation qu'elle n'a plus qu'a mettre sur pied une vaste arnaque n'ayant pas beaucoup à envier à celle imaginée par son frère une décennie plus tôt.


Les thèmes 

les années 30  la vengeance  la trahison  la perte  
le déclassement ◆ 



avis perso

Le roman ne manque pas de bonnes idées. Elles sont riches, étoffées, intelligentes. Encore une fois, l'auteur s'applique à nous dépeindre l'air d'une époque, et il y réussit brillamment. Le spectre de la guerre n'est plus, le pays se redresse, mais dans le Paris des années 30, les grosses fortunes ne sont à l'abri ni de la corruption ni des cracs boursiers. 


Cette fois-ci, l'histoire tourne autour d'un univers féminin, celui de Madeleine, l'occasion de se pencher sur l'autre facette de la vie des Péricourt.
Mais c'est en ça que le bat blesse à mes yeux. Pour commencer, je n'ai pas spécialement aimé Madeleine Péricourt. Elle n'est définie par rien, simplement par les autres. Ce manque de personnalité m'a coupé de tout attachement émotionnel vis à vis de ce personnage. 


Là où je souffrais dans les tranchés avec Albert Maillard et Edouard Péricourt, je me suis tout juste baladée dans les corridors de l'hôtel Péricourt aux côtés du désoeuvrement de Madeleine sans ressentir quoi que ce soit. Peut être n'a-t-elle pas été assez explorée, ou trop cantonnée dans son rôle de mère inquiète, mais Madeleine, que j'avais trouvé succulente dans Au revoir là-haut, m'a paru plutôt terne au cours des 529 pages de ce roman. 

L'intrigue en elle-même ne manque pourtant pas de sel. Et les personnages non plus. Entre Vladi la nourrice polonaise, Robert le truand, Léonce la femme habile, Joubert le sous main devenu patron, Charles Péricourt aux prises avec l'avenir de ses hideuses filles, Dupré l'efficace, Solange la cantatrice menteuse et bien sûr Paul, l'héritier supplicié, on assiste à un panel de personnages rondement bien menés. 

Malheureusement, la sauce n'a pas vraiment pris pour moi. Peut-être était-ce parce que l'art était absent, cette fois-ci. Peut être que les sous-intrigues ne se rejoignaient pas assez. Mais le tout qui en résulte manquait d'un petit quelque chose d'important. Solidité ? Harmonie ? Difficile à dire. Pour le coup j'ai même trouvé que cette fois-ci les personnages ont parfois été un prétexte pour dérouler le fil qui les y mêlaient mal. Mais peut-être étais-je trop dure, encore trop imprégnée du magistral Au revoir là-haut.


Retrouver la plume de Pierre Lemaitre m'a franchement réjouie. J'ai adoré ses descriptions, pleines d'esprit, son oeil pour les détails, ses petites remarques ironiques, d'une saveur particulière.

On retrouve également un bon travail de fond, pour une plongée habile et immersive dans ces années d'après guerre, bien que j'aurais aimé que l'auteur prenne plus le temps de nous délecter de ces éléments historiques, comme il l'avait si bien fait dans Au-revoir là-haut.

Pour finir, j'ai beaucoup aimé le titre du roman, Couleurs de l'incendie, qui désigne poétiquement la montée du fascisme en Europe. Dommage que le thème ne fut que très peu abordé, ne justifiant pas vraiment son titre... 



l'auteur


Pierre Lemaitre nait à Paris en 1951. Il grandit en banlieue parisienne, au sein d'une famille modeste de sensibilité politique de gauche. Son diplôme de psychologie en poche, il fonde un organisme de formation où il enseigne la communication, la culture générale, mais surtout la littérature française et américaine essentiellement à des bibliothécaires. Autodidacte en terme de littérature, c'est sur le tard qu'il écrit son premier roman, passé la cinquantaine. Travail soigné, premier tome de la série Verhoeven, s'illustre dans le genre du polar et décroche le prix Cognac 2006, rapidement suivis par Robe de mariée, prix du Meilleur polar francophone 2009 et Cadres noirs, Prix du Polar européen du Point 2010.

Déjà plébicité en France et à l'étranger, ce n'est qu'en 2013 que vient la consécration avec Au revoir là-haut, qui décroche le Prix Goncourt 2013. S'en suivront Couleurs de l'incendie et Miroir de nos peines, deux autres volets de sa trilogie Les enfants du désastre, son oeuvre majeure. Pierre Lemaitre est aujourd'hui traduit dans plus d'une quarantaine de langues, cumulant plusieurs adaptation en cours de ses romans, au cinéma comme au théâtre, revêtant parfois même la casquette de scénariste.


conclusion


Bon roman agréable à lire, Couleurs de l'incendie n'arrive malheureusement pas à égaler la qualité d'Au-revoir là-haut. J'ignore s'il n'y avait pas les mêmes tripes ou s'il n'a pas su parler à mes tripes, mais outre le plaisir de retrouver la plume de Pierre Lemaitre, je n'ai pas retrouvé la tonalité unique qui m'avait harponnée dans son précédent écrit. Bien que décevant, Couleurs de l'incendie reste tout de même un roman très captivant que j'ai dévoré en quelques jours malgré son important volume. 




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