Road trip d'hiver en France : L'étape Normande, Le Tréport, Mers-les-bains, Ault

17 avr. 2020






Depuis quelques temps, se bousculaient en moi de grosses envies de Normandie. Il faut dire que je ne connaissais pas ce versant-là de l'hexagone, plus familière avec les terres anglaises qu'avec la côte française de la Manche.

La Normandie, je l'ai beaucoup vue chez les impressionnistes. Au Musée d'Orsay, sur les tableaux de Monet, à Honfleur, à Etretat, à Deauville. Le nom de Cherbourg m'a toujours semblé exotique : c'est d'ici qu'ont embarqué les passagers français du Titanic, d'ici qu'ont appareillé les vagues migratoires françaises parties tenter leur chance outre-atlantique. Il y avait aussi Marie-Mad', la copine normande de ma grand-mère, qui descendait souvent du Havre, juste pour nous voir. S'y tiennent aussi en toile de fond de nombreux romans de légende, Madame Bovary par exemple, mais aussi le décor de Nérina, le premier roman de ma copine Amandine, et Mémoires de Boislondes, l'histoire de famille écrite par l'arrière grand mère normande de ma copine Ariane à la libération. Peut-être aussi sous influences des magnifiques clichés partagés sur la toile, je voulais voir la Normandie.

Mais pas dans ces grands classiques, pas cette fois-ci. Pour cette étape du road trip, direction la quiétude et la lumière changeante de ce bras de littoral qu'on appelle la côte d'opale.





La route est longue, depuis le Morbihan. Nous dépassons Deauville, Honfleur et Etretat qui feront l'objet d'un voyage ultérieur, centré sur la Normandie à part entière. Il y a de grosses passerelles, au niveau du Havre. J'aperçois les cheminées des usines, fait mienne la logique picturale industrielle des paysages du nord de la France.

Nous arrivons de nuit au Tréport, à la limite de la Picardie.

La ville est plutôt déserte. Il pleut, les gouttes de pluie sont glacées, tout comme l'air ambiant, venteux. Ambiance grosse tempête de l'apocalypse. Les vagues cognent la jetée. Les rares habitants croisés portent tous des cirés. Je repère un restaurant kitchissime, à la devanture marine. Nous nous logeons difficilement pour la nuit. L'accueil est glacial, les tarifs exorbitants, la prestation ridicule. C'est la crise du désenchantement. La chambre avec vue donne vue sur le parking, et la jolie vague de brouillard matinale sur le port échappe à mon objectif.

La ville est en terrassement, escarpée, avec des faux airs monégasques. Nous n'aurons pas beaucoup de temps pour l'arpenter, j'ai des douleurs à perdre haleine.

Une seule envie nous étreint : nous tirer de là, au plus vite.

Et puis, tout à coup, l'angle de vue me saisit. Je hurle. Les falaises ! Elles sont là ! On a dormi à leurs pieds, on les avait en face, et on ne le savait même pas... J'ouvre grand les yeux, me repaît de ce que je vois. Le spectacle est magnifique.







Les roches, calcaires, ciselées par le temps, dominent la ville, petite, amassée sous son poids. Les maisons, face à la mer, s'ouvrent tout droit sur l'horizon. Les vagues sont douces, calmes, apaisantes. La falaise est recouverte d'une prairie verdoyante, à l'anglaise.

Le plus bel angle de vue se tient du côté de Mers-les-bains. Nous délaissons Le Tréport pour nous approcher de sa voisine mitoyenne, à moins d'un kilomètre.

Mers-les-bains, c'est avant tout ces intrigantes maisons en bord de mer, aux couleurs chatoyantes. Riche mélange architectural, un peu belle-époque, un peu victorien, un peu art-déco, un peu mauresque, le tout offre un sublime ensemble qui donne envie de se perdre dans les ruelles et frustre l'oeil de tout photographe. L'atmosphère est agréable, encore un peu brumeuse. J'y resterai bien des heures, à tout regarder, tout retenir, tout voir, tout cartographier.

Il n'est pas difficile d'imaginer des centaines de visiteurs déambuler sur ces plages en été. Les deux villes ont été imaginées balnéaires.

Il fait magnifiquement froid sur la côte. Je marche sur les quais avec mille précautions, heurtée par les galets. Avec ma cheville, impossible de se promener sur le sable, au plus près des falaises. Frustration. J'observe l'horizon, pensive. Quelques kilomètres et plus loin, là-haut, c'est l'Angleterre.




Transis de froid, nous cherchons un café pour nous poser, prendre un petit déjeuner. Sans succès. Mers-les-bains ne mange pas de ce pain-là les matinées d'hiver. Alors ce sera l'ascension de la falaise, pour contempler le joli point de vue, en guise de réconfort. Depuis Le Tréport, on peut y accéder en funiculaire, ou en voiture, plus simplement. Quelques vacanciers s'amassent au sommet. Certains parlent allemand. "Non mais Mag, en ils parlent français. Ecoute-bien c'est juste... l'accent du Nord."
Je tombe des nues. Il a raison. Cet accent, c'est l'accent du Nord. A couper au couteau. L'une des façon les plus impinables de chanter la langue française après le québécois.

Des rafales de vent font plier l'herbe. Je grelotte de froid. Depuis le point de vue panoramique, la côte se dessine avec majesté. Je mets une pièce dans une longue vue. Comme quand j'avais 4 ans. L'instant s'égrène avec poésie. Le vent emmêle mes cheveux, mon écharpe manque de s'envoler. Je verse une pensée pour les héros du débarquement, ceux qui sont venus libérer la France par ces plages, même si ce n'est pas exactement ici qu'ils ont essuyé les balles.

L'office du tourisme est fermé. En milieu de matinée, c'est aberrant. J'ai lu qu'à quelques kilomètres du Tréport, pour les accros des beaux paysages, un petit village incarne le point d'affaissement des falaises par excellence, depuis lequel le point de vue panoramique vaut le détour.
Je pars y chercher ma came.




Ault, c'est encore plus sinistré que Mers-les-bains. Les brasseries n'ont pas daignées s'ouvrir, à l'approche de midi. Nous ne croisons que deux autres mini-groupements de touristes, tout y est désespérément mort et inanimé.

Mais le paysage est à couper le souffle. Les falaises coiffent le sable en enfilade, à perte de vue. C'est une valse de craie, de pâturages et d'angles ciselés dans la pierre, bercés par les vagues. J'observe longuement cette incroyable vision. Seule. Connectée au présent. Les deux pieds bien ancrés dans la terre, les yeux qui n'en perdent pas une seconde. Je pose l'appareil photo. Il me parait cette fois-ci inutile. Impuissant. Je m'imprègne du lieu. Le grave dans ma mémoire. Je sais que j'y repenserai les jours de doute, les jours de défaite, les jours de désoeuvrement. Les falaises d'Ault, c'est la grandeur, c'est l'infini, c'est la mélancolie. Je respire à plein poumons l'air marin.

Il y a dans les falaises de Normandie une pointe du cliff of Moher irlandais, qui avait tant marqué mes neuf ans. Un fort sentiment qui parle à ma solitude. Aussi impressionnant qu'apaisant.

J'ai adoré en prendre plein la vue et le coeur au cours de cette escapade en Normandie.



- le funiculaire de Le Tréport
- les façades des habitations maritimes de Mer-les-bains
- le Kahlburg, site allemand vestige de la 2ème guerre mondiale de Le Tréport
- le blockhaus de Mers-les-bains
- l'église St Jacques et la chapelle St Julien de Le Tréport
- l'Atelier du verre, rencontre avec un souffleur de verre de Le Tréport
- Notre dame de la falaise de Mers-les-bains
- la plage du bois de Cise à AUlt
- le Musée Louis Philippe à Eu
- balade en mer sur l'Etoile filante, visite en bateau depuis le Tréport jusqu'à Ault {ici}