Road trip d'hiver en France : L'escapade bretonne : la forêt de Brocéliande

16 avr. 2020








C'était son idée, Brocéliande. Moi, je ne gardais de la Bretagne que la possibilité de la mer et des tourteaux, pas celle des forêts de chênes recouverts de mousse.

Ce qui l'attirait là-dedans, c'était la légende du Roi Arthur. Moi j'en étais restée à la version de Chrétien de Troyes : le Roi Arthur, ça s'est passé en Angleterre. Mais non, d'après les spécialistes, le Graal et la table ronde auraient bel et bien pris naissance en Bretagne française. Pour le coup, il me devançait en culture générale des mythes et légendes européens.

La forêt de Brocéliande, sur la carte de France, porte le nom de forêt de Paimpont. A quelques kilomètres à l'est de Rennes, elle n'est accessible que par des petites routes au crochet d'une nationale.


La première impression nous déconcerte. Depuis la route de Ploermel, le paysage est tout ce qu'il y a de plus ordinaire. N'avait-on pas dit qu'il y avait à Brocéliande de magnifiques et grands chênes recouverts de mousse ? Ceux que nous croisons ne nous dépaysent pas des masses. J'aperçois même des pins, et me tape la tête contre la boite à gants, de désespoir. Tous ces kilomètres pour apercevoir un décor quasi similaire au notre, 1089km plus bas ?

Mais c'est la saison des arbres morts. Et je dois dire qu'elles sont belles, toutes ses branches tortueuses dans le ciel.






Le coeur de la forêt, c'est la petite ville de Paimpont. Une abbaye 12ème siècle, trois crêperies et un pub, le passage est obligatoire parce que c'est à l'office du tourisme qu'on t'expliquera réellement ce que tu dois voir à Brocéliande. Et la boutique est très chouette, au passage.

Brocéliande, c'est plutôt grand, (9 000 hectares) et c'est truffé de choses à voir. Ce sont des balades pédestres, pour la plupart.

Il te suffit de lire la carte pour glousser quelques pics d'excitation. Le Val sans Retour, Le hêtre du voyageur, l'Eglise du Graal, la Fontaine de Jouvence, le Miroir aux Fées, le Tombeau des Druides, les Forges de Paimpont... Que des noms chatoyants. On te demandera juste de ne pas essayer d'aller sur la Tombe de Merlin aujourd'hui, parce qu'en ce moment il y a des battues dans les parages, c'est dangereux.

En guise d'introduction, il y a d'abord La porte des Secrets, si tu veux être brieffé en détails sur tous les mythes et l'essence du lieu. Pour 7 €, il t'est offert un parcours spectacle en scénovision pour te plonger dans la légende. Nous, on aurait bien testé mais on a pas eu le temps.

Les distances entre les points d'intérêt n'excèdent pas les 20km. Des boucles de jolies balades sur des petits sentiers te sont indiqués, et il t'est plutôt recommandé de venir à Brocéliande avec des baskets et un sac à dos dans un esprit rando. Du coup, avec une cheville fébrile, c'était pas facile de vraiment profiter du lieu.







Au sud de Paimpont, sur la route de Campénéac, Le château de Trécesson. Sous ses voutes XIIème siècle, ses murs de schiste rouge forment de magnifiques assemblages de couleurs, reflétés dans le lac qui le borde. Ambiance contes de fées macabres, Barbe Bleue.

C'est un château à douves, je n'ai pas souvenir d'avoir déjà vu de mes yeux des douves remplies d'eau. La bâtisse et son domaine ne se visitent pas vraiment. L'accueil n'est pas des plus chaleureux, l'atmosphère est austère, inhospitalière.

On se sent de trop, dans le paysage. D'ailleurs le château ne se visite pas l'hiver, l'approcher c'est violer une propriété privée.

Puis le château de Trécesson, c'est un château hanté. La légende le pare d'une dame blanche, enterrée vivante par ses frères pour cause de mariage qui ne leur convenait pas (et une victime de plus du sexime, une), mais aussi d'un curé sans tête qui rode près du calvaire et de quatre joueurs de cartes condamnés à revivre éternellement leurs parties.



Non loin de Trehorenteuc, il faudra serrer les dents pour aller voir le Val sans Retour. A plus d'un kilomètre de la voiture, la douleur me prend aux tripes. Le val tient son nom du courroux de la Fée Morgane. Trahie par son amant, Morgane se laisse gagner par la fureur. Elle pétrifie le couple dans une roche de schiste, la Roche des "faux amants" et jette un sort au Val. Chaque homme qui s'y aventure, chevalier infidèle, ne pourra plus jamais en sortir. Seul Lancelot, fidèle à Guenièvre, ne tombera pas sous l'emprise du sortilège, et parviendra à délivrer les 253 chevaliers prisonniers, dont la jeunesse et la beauté se sont enfuis ... sans retour.

Face à moi, sur les hauteurs d'une cascade, l'Arbre d'Or. Cette appelation lui vient de son véritable pesant d'or. Suite à un incendie particulièrement meurtrier dans le val, un artiste fait de ce chataigner calciné le réceptacle de son oeuvre d'art. Il le recouvre de feuilles d'or, en symbole du caractère fragile et précieux de la forêt, en hommage à toutes les bosquets détruits par la négligence de l'homme. Ses formes, qui rappellent des bois de cerf, seraient une référence à l'animal, une des apparences utilisées par Merlin.




Et puis, en bordure de l'Arbre d'Or, le Miroir aux Fées. Conformément aux légendes celtes qui indiquent l'eau comme étant la frontière d'un autre monde, ce lac aux eaux lisses, sans une ride, (la forêt qui l'entourait était autrefois si dense qu'aucun souffle de vent ne venait troubler sa surface) était le royaume des Fées qui aimaient y lire l'avenir et admirer leur reflet la nuit tombée. Sept d'entre elles y vivaient cachées, dont la Fée Morgane, toujours prêtes à accueillir les mortels, surtout les beaux et preux chevaliers venus tâter de la vie éternelle.




Plus loin, sur le chemin de Concoret, un arrêt s'impose pour voir Le chêne Guillotin, le chêne millénaire de la forêt. Ses dimensions impressionnantes en font aussi le plus gros arbre de la vallée. Chêne à tronc creux (9m de circonférence pour le tronc !), on suppose qu'il abrita de nombreux épisodes médiévaux de cache-cache. Il tiendrait son nom de l'Abbé Guillotin, un prêtre réfractaire qui dut s'y cacher de nombreux mois pendant la Révolution, depuis lequel il continuait d'assurer les sacrements et les bénédictions dans la région.

Face au chêne Guillotin, j'ai eu le coeur qui s'est emballé. J'ai imaginé un si bel arbre mort au bout de ses branches abimées. Dommage que le poids du temps ait sectionné ses ramures et qu'un aménagement ait du être entrepris pour le maintenir debout, au prix de lui ôter complètement son charme naturel.




Il y aurait des tas d'autres choses à voir. Mais l'heure tourne et les points d'intérêt, nichés au bout de longs sentiers pédestres, me sont impossibles d'accès. J'aurais pourtant vendu toute ma famille pour apercevoir les cimes du magnifique Hêtre du voyageur.




Parce qu'il n'y avait pas beaucoup de choix culinaires à la ronde, on s'est retrouvés à la table du Relais de Brocéliande, un restaurant sans prétention où se pressent plus les gens des alentours que les touristes.

Des touristes, il y en a quelques uns en ce jour de grand froid polaire. Tu les retrouves, les mêmes, de visites en visites, on aurait du s'échanger les adresses mail pour se partager les photos, tiens.

Nous quittons Brocéliande, pour rejoindre la route de Rennes, un peu désenchantés.

Armés de nos plus grandes naïvetés, on a cru qu'on allait danser avec les fées, soulever Excalibur et boire des potions de druides, bref, s'en prendre plein les yeux niveau folklore celtique. C'était sans compter sur le fait que le XXème siècle est passé par là et que la région, comme toutes les régions de France, a subi l'industrialisation forcée, à coup d'abattages d'arbres et de bétonnage de routes. C'était un peu croire encore au Père Noël que de penser qu'il existe encore des endroits sauvages en France. Si tu veux voir des Ent, faut plutôt faire un tour en Nouvelle Zélande, ou au moins en Ecosse, parce que c'est fini chez nous les contrées profondes, mystérieuses et secrètes.

Brocéliande, c'est donc un peu comme Nottingham. Une vieille et belle légende dont il ne reste que peu de choses, qu'on s'efforce d'aménager pour le tourisme de masse, qui crée sans doute pas mal de dégâts et fait du mal à la légende, à sa façon.

Mais j'ai la sensation d'avoir fait le plein de nature et de m'être abreuvée de branches, tortueuses et tourmentées, comme je les aime. Le temps nous aura manqué, je me serais bien posée près du lac, allongée dans l'herbe, et plus que tout, j'aurais volontiers traqué le vieux chêne avec de la mousse apparente.

Et puis, au détour d'un chemin, je le tiens, mon vrai bon paysage sylvestre.

Une route. Bordée d'hêtres aux branches infinies. Qui zèbrent le ciel. Un toit d'arbres morts. Une voute burtonienne. Une voie royale.
Sur des kilomètres.

_"T'es contente ?"
 J'ai les pupilles dilatées, le coeur qui bat la chamade, un sourire inextricable au bout des lèvres.




La nuit à Brocéliande on l'a passée ici, dans un manoir au nord de Nantes, non loin du village de Pleucadeuc. C'est évidemment l'aspect manoir, plus que l'offre imbattable qui m'a séduite et nous a conduit sur les routes sinueuses de Bretagne où le GPS lui-même a du mal à se retrouver. Expérience plutôt insolite entre les murs du lieu, tenu par un couple d'hôteliers / restaurateurs.


Toujours est-il que le cadre, entouré d'arbres et de silence est de toute beauté et que je recommande absolument une nuit au Manoir de la Combe. J'y ai trouvé ce petit quelque chose d'assez inattendu, du type des jolies surprises qui marquent durablement les souvenirs de voyage. 

→  J'invite le lecteur de ces lignes à venir lire l'article Le Manoir de la Combe que je lui ai consacré {ici}

Le Manoir de la Combe
La Combe d'en Haut, 56140 Pleucadeuc



                                           - La Tombe de Merlin
                                           - La fontaine de Barrenton
                                           - L'abbaye de Paimpont  
                                           - La fontaine de Jouvence


- Le hêtre du Voyageur 
- L'église du Graal
- L'hotié de Vivianne     
- Les forges de Paimpont